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Filip van Noort, chercheur, et Joris Elstgeest, vendeur de plantes en pot, spécialiste des orchidées, le 12 octobre au milieu de lianes de vanilliers, dans une serre, le 12 octobre à Bleiswijk. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Dans des serres, au milieu de champs de pommes de terre, les scientifiques de l'université de Wageningen ont recherché pendant quatre ans la possibilité de produire cette orchidée exotique, qui se plaît d'habitude dans l'ombre d'un climat tropical. "Sur la base des informations que nous avons livrées, les cultivateurs estiment que la vanille est une plante avec beaucoup de potentiel pour les serres néerlandaises et ont décidé de se lancer dans cette culture", assure le chercheur Filip van Noort.
Le nombre de plantes sera décidé avec la prochaine floraison, en avril-mai, et il faudra au minimum trois ans avant de voir une "nedervanille", contraction de "vanille" et "néerlandais", entrer sur le marché.
À Bleiswijk (Est), où les recherches ont été menées, les lianes des vanilliers grimpent jusqu'à plusieurs mètres de haut. Leurs longues feuilles ovales abritent les gousses qui, une fois séchées, seront tant appréciées des pâtissiers amateurs.
"Le défi est d'arriver à faire fleurir les plantes, à les polliniser d'une manière qui soit bon marché, puis à faire pousser les gousses et à les transformer en un beau produit final", s'exclame le chercheur. "Et il faut attendre des mois, voire un an, pour constater les résultats des manipulations opérées sur les plantes".
Malgré ses difficultés techniques, le projet pourrait ouvrir aux agriculteurs néerlandais un nouveau marché alors que plus de 80% de la production mondiale de vanille provient de Madagascar.
Or noir
"Dans le passé, les prix étaient trop bas, ce n'était pas intéressant", indique Joris Elstgeest, un vendeur de plantes en pot spécialiste des orchidées, qui participe au projet avec plusieurs cultivateurs locaux. "Mais aujourd'hui, de plus en plus de gens veulent s'éloigner de la vanille chimique pour revenir à un produit naturel : la demande augmente, les prix augmentent et cultiver la vanille sous serre devient intéressant".
Des lianes de vanilliers dans une serre, le 12 octobre à Bleiswijk. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La vanille est devenue l'une des épices les plus chères au monde, avec un prix moyen de 350 euros le kilo pour ce nouvel "or noir", contre 60 dollars/kg en 2014.
Selon les experts, cette flambée des prix de la vanille - qui pourrait toutefois ne pas durer dans un marché particulièrement cyclique - s'explique également par la mauvaise récolte à Madagascar, par la spéculation et par des liens entre cette culture et le blanchiment d'argent issu du trafic illégal de bois de rose malgache.
Et bien que d'autres pays se mettent également à cette culture, une éventuelle baisse des prix n'effraie pas pour autant les Néerlandais, qui s'attendent à une explosion de la demande dans les années à venir. "Il y a une tendance pour un retour au naturel, au bio alors que le traçage des produits est de plus en plus important dans le commerce", explique Joris Elstgeest, soulignant que sa "nedervanille" est sans produits chimiques et relève du commerce équitable.
Tomates vs épices
Jusqu'à la moitié du XIXe siècle, la culture du "Vanilla planifolia", plante originaire du Mexique, a été un échec en dehors de sa région natale : il manquait la précieuse abeille locale nécessaire pour la pollinisation des fleurs. Puis un procédé de pollinisation manuelle a été trouvé à La Réunion. Mais c'est à Madagascar que la production de vanille a réellement pris son envol.
Les cultivateurs néerlandais, qui assurent avoir déjà reçu des marques d'intérêt de nombreux industriels ou restaurateurs haut de gamme, veut surtout "élargir les possibilités de culture dans les serres du pays", assure M. Elstgeest.
"Les tomates sont par exemple sous pression et les producteurs s'attendent à ce que la culture ne soit plus rentable dans les années à venir", ajoute-t-il, alors que le pays a produit plus de 900 millions de kilos de tomates en 2015, selon le Bureau central des statistiques.
Les Pays-Bas, qui exportent beaucoup de produits agricoles, sont de plus un pays spécialiste de la culture sous serre avec 9.488 hectares en 2014, contre quelque 1.900 hectares de serre en France à la même époque, selon le ministère de l'Agriculture.
Le consortium et les chercheurs ont déjà d'autres horizons en tête, précise Filip van Noort : "Dans cette serre, nous avons également du poivre noir, des plantes qui fabriquent de l'indigo, la couleur des jeans, et l'année prochaine, nous aurons du safran ou du wasabi".