Si Washington a d'ores et déjà prévu de retirer 33.000 soldats d'ici un an, l'armée américaine va renforcer sa présence à Khost, l'une de ces instables provinces montagneuses frontalières des zones tribales pakistanaises.
Des zones qu'elle avait un peu délaissées ces dernières années bien que très infiltrées par les divers groupes talibans, dont le réseau Haqqani, bête noire des Américains en Afghanistan, et leurs alliés combattants d'Al Qaïda.
Au poste de combat avancé Sabari de Khost, son commandant, le capitaine Aaron Tapalman, 28 ans, souligne que "les forces spéciales américaines sortent souvent pour traquer l'ennemi la nuit". "Nous sommes très actifs. La région a été un sanctuaire rebelle pendant plusieurs années, et nous sommes déterminés à changer les choses", ajoute-t-il.
Le poste avancé du capitaine Tapalman essuie régulièrement des tirs de mortier et est entouré de champs truffés de bombes artisanales. "Certaines régions du pays vont être transmises aux forces afghanes, mais des districts comme ceux de Sabari en sont encore loin", note-t-il, soulignant par exemple qu'il n'y a que cinq fonctionnaires en poste, sur 53 prévus.
En l'absence de véritable gouvernement local, l'Équipe de reconstruction provinciale (PRT, unité civilo-militaire de l'OTAN) encourage les tribus rivales locales à s'unir contre les rebelles et les empêcher notamment de faire transiter armes et explosifs par Khost. "Khost a toujours été un point de passage pour les rebelles venus du Pakistan, les combats vont donc s'intensifier ici", estime le chef de la PRT, le capitaine Steve Baunach. Au final, "ce n'est pas le bon environnement pour mener des projets de reconstruction", déplore-t-il.
La normalisation est un défi encore plus grand plus au Nord, dans les très instables et montagneuses provinces de Kunar et du Nouristan, elles aussi frontalières du Pakistan, et réputées encore plus incontrôlables.
Selon plusieurs sources locales et occidentales, les talibans y ont repris le contrôle de plusieurs districts après l'abandon par les Américains de postes de combat avancés frontaliers. C'est notamment le cas du district nouristani de Kamdesh, selon l'anthropologue américain Richard Strand, expert de la région. "Les talibans y battent les gens, tuent les professeurs, font fermer les écoles et mettent en place leurs propres prisons", explique M. Strand, qui se dit en contact téléphonique régulier avec des habitants du district. "Cela dope le moral des talibans. La perte de la majorité du Nouristan augure mal de la suite pour le reste de l'Afghanistan. Les Américains n'avaient plus les moyens de le contrôler, et les talibans en ont profité", dit-il.
Début juillet, l'ancien commandant des forces internationales en Afghanistan, le général David Petraeus, nouveau chef de la CIA, avait confirmé que "des moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance seraient transférés à l'Est", tout comme davantage de troupes.
L'annonce par Washington d'un retrait important, un tiers de ses troupes, d'ici l'été 2012 rend nécessaire un compromis au sein de l'armée américaine pour parvenir à un équilibre entre les déploiements au Sud, où les talibans restent très actifs malgré les offensives de ces dernières années, et à l'Est. "Les commandants des deux théâtres sont en compétition", admet un officier américain sous couvert d'anonymat. "S'il s'agit de faire de la contre-insurrection, alors ils devraient se concentrer sur le Sud. Si on parle de contre-terrorisme, alors ce devrait être l'Est", car "c'est là qu'on trouve Al Qaïda et ses alliés", estime Seth Jones de la Rand Corporation, un institut d'études basé à Washington.
AFP/VNA/CVN