Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) a mené durant deux ans "une évaluation sans précédent" de l'étendue et de l'impact de la pollution dans l'Ogoniland, au cœur du delta du Niger, la région pétrolifère du premier producteur de brut d'Afrique.
Des ONG ont immédiatement réagi en montrant du doigt la compagnie anglo-néerlandaise Shell, le plus ancienne et la plus importante des majors opérant au Nigeria. "La restauration environnementale de l'Ogoniland pourrait bien être l'exercice de nettoyage de pétrole le plus vaste et le plus long jamais réalisé dans le monde si l'on veut ramener à un état entièrement sain l'eau potable, les sols, les criques et les écosystèmes importants tels que les mangroves, qui sont contaminés", selon un communiqué du PNUE qui a présenté l'étude le 4 août à Abuja. Ce nettoyage complet pourrait prendre 25 à 30 ans.
L'agence onusienne préconisé notamment la création d'un fonds spécial pour l'Ogoniland et suggère que les compagnies pétrolières et le gouvernement nigérian y injectent un milliard de dollars.
"Dans au moins dix communautés Ogoni, où l'eau potable est contaminée avec des niveaux élevés d'hydrocarbures, la santé publique est sérieusement menacée", relève le PNUE, précisant que l'une de ces communautés est située a proximité d'un oléoduc de la compagnie pétrolière nigériane (NNPC).
L'Ogoniland est quadrillé d'oléoducs et jonché de puits et les défenseurs de l'environnement dénoncent depuis des années l'impact environnemental de l'exploration de brut qui a détruit, selon eux, les moyens de subsistance d'une population vivant essentiellement de la pêche et de l'agriculture.
Shell fut contrainte de quitter l'Ogoniland en 1993 après des violences liées à la pauvreté et alors que beaucoup d'habitants ont dénoncé des dégâts environnementaux.
La question de l'attribution de la responsabilité de la pollution est souvent épineuse. De nombreux activistes dénoncent la négligence des groupes pétroliers.
Le PNUE relève que "le contrôle et l'entretien des installations pétrolières dans l'Ogoniland demeure inadéquat : les propres procédures de Shell Petroleum Development Company (SPDC) n'ont pas été respectées, conduisant à des problèmes de santé publique et de sécurité".
Amnesty International a de son côté estimé que l'étude prouvait que "Shell a eu un impact terrible au Nigeria et s'en est sorti en niant cela des décennies durant". Le groupe a "systématiquement échoué" à nettoyer ses fuites de pétrole, affirme l'ONG.
Shell a réagi le 4 août en réaffirmant que "la plupart des fuites" étaient le résultat "de sabotage, vol et raffinage clandestin".
"Nous nettoyons toutes les fuites depuis nos installations quelle qu'en soit la cause", a assuré dans un communiqué Mutiu Sunmonu, directeur général de SPDC, qui gère les opérations nigérianes pour Shell.
Un important oléoduc appartenant à SPDC continue de traverser l'Ogoniland, selon le site Internet de la société, et Shell a reconnu mercredi sa responsabilité dans deux marées noires en 2008 et 2009 dans la région, s'engageant à payer des compensations.
Le président Goodluck Jonathan a assuré après avoir reçu l'étude, que son gouvernement allait "discuter avec Shell et d'autres compagnies (...) ainsi que les agences gouvernementales compétentes pour voir comment nous pouvons gérer ce rapport".
Le Mouvement pour la survie du peuple Ogoni (Mosop) a estimé le 4 août que le gouvernement devait "révoquer la licence de Shell en raison des ravages provoqués dans l'Ogoniland".
AFP/VNA/CVN