Un ancien étudiant en français commercial partage ses expériences en entreprise avec les étudiants de l’ESCE. |
Photo : FB/CVN |
Dans un monde dynamique et de plus en plus globalisé, la maîtrise des langues étrangères est devenue “un passeport” pour s’ouvrir au monde. Alors, l’apprentissage de l'anglais, du chinois ou du japonais est en vogue ces derniers temps au Vietnam selon mes observations. Pourtant, dans cet article, je voudrais parler d’une langue semblant être peu courante pour les jeunes vietnamiens - le français.
Est-ce que le français est détrôné dans un monde dominé par l’anglais ?
Avant de répondre à cette question, étant une jeune francophile, je voudrais vous partager mon histoire. J’ai commencé à apprendre le français dès l’âge de 6 ans et ça fait déjà 15 ans que je parle français.
Sincèrement, la langue de Molière m’offre beaucoup d'opportunités pour m’épanouir et même découvrir mes différentes capacités. En effet, j’avais de la chance de faire mes études dans le seul lycée d’excellence de ma ville et puis à l'École supérieure de commerce Extérieur (ESCE) qui figure parmi les meilleures universités d'économie au Vietnam. De plus, je suis tellement fière que le français soit la seule langue dont les locuteurs dans le monde entier sont rassemblés au sein d’une communauté officielle et coordonnés par une organisation internationale, OIF.
Mais face à une société dominée par l’anglais, parfois, je suis très inquiète pour l’avenir de cette langue quand mes proches disent que celle-ci se dévalorise face au développement de l’anglais. Ce phénomène est totalement compréhensible car l’apprentissage de l’anglais ouvre aux étudiants plusieurs opportunités professionnelles. Même parfois, pour certains diplômés actuels, l’anglais est une langue indispensable sans laquelle ils deviendront analphabètes dans une société globalisée. L'importance de l’anglais dans notre société est indiscutable mais cela ne signifie pas que les autres langues ne nous procurent pas d’opportunités sur notre planète.
Ayant été une des langues les plus parlées au monde, le français risque actuellement de décliner dans les programmes de formation des écoles au Vietnam. C'est une réalité très triste mais irrésistible face à l’omnipotence de l’anglais.
Tiktok des étudiants francophones de l’ESCE et Page des francophiles à Hai Phong. Photo : tiktok/CVN |
Dans de nombreuses écoles primaires, collèges, lycées et universités de notre pays, le français est quasiment absent et cette situation s'aggrave de plus en plus. Selon le Projet sur l'enseignement et l'apprentissage des langues étrangères dans le système éducatif national pour la période 2008-2020, les étudiants anglophones représentent 85%, contre 5.6% pour les étudiants francophones. La raison que beaucoup de gens avancent pour expliquer ce grand écart est que les opportunités d'emploi que la langue de Molière apporte ne sont pas nombreuses.
Mais à mon avis, ce n'est que le sommet de l'iceberg, d'autres raisons se cachent en profondeur.
Premièrement, notre programme scolaire ne fait pas vraiment attention à la diversité des langues. Dans le projet d’enseignement linguistique mentionné ci-dessus, le concept de multi-langue, multi-culture n'est pas mentionné. Il semble que quand on parle de “langue étrangère”, l’anglais soit la seule langue qui apparaît dans la tête de certains éducateurs.
Deuxièmement, l’orientation des élèves à choisir les filières francophones s'avère peu efficace. “Que faites-vous après avoir été diplômé en français ? Traducteur ?”, pour beaucoup de gens, la langue française est considérée comme une langue de boudoir, de lettrés mais pas comme une langue pragmatique, qui sert à trouver du travail. En effet, le nombre de lycéens qui s’inscrivent dans les domaines utilisant le français s'abaissent au fil du temps, en 2010, à Université des Sciences sociales et humaines de Hô Chi Minh-Ville, environ 500 candidats ont choisi d'étudier le français tandis que 10 ans plus tard, il ne reste que la moitié de ce chiffre. Ce problème fait couler beaucoup d’encre des journalistes vietnamiens en montrant que les étudiants francophones ont plus de chance d’étudier que de travailler.
Cependant, selon une étude de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), 98% des diplômés francophones trouvent leur premier emploi un an après l'obtention de la licence. En 2016, lors de la signature des accords-cadres, L'AUF et la CCIFV ont déclaré leur volonté de consolider et de renforcer leur action de coopération commune en matière de développement des partenariats entre les établissements d’enseignement supérieur et de recherche et le monde économique pour favoriser l’employabilité des étudiants, tout en offrant aux membres un contact privilégié avec des chercheurs d’emploi formés "à la française’’. D’ailleurs, l’anglais à lui seul ne nous permettra plus aujourd’hui de faire la différence. Les recruteurs exigent de plus en plus chez les candidats la maîtrise d’une autre langue. Alors, le français sera un atout pour embellir votre profil lors de la recherche d’emploi.
D’autre part, en sachant parler français, on a l’opportunité de faire des études en France surtout pour les domaines scientifiques. Ces dernières années, l’ambassade de la France offre plusieurs bourses pour les étudiants vietnamiens et les aide à achever leur dossier. Vu l'année précédente, 36 candidats vietnamiens ont obtenu la bourse France Excellence avec un versement semestriel de 1000€.
Il est temps de redonner à la langue de Molière sa place d’honneur
Concours “Expédition francophone” organisé par le Club de français de l’ESCE. |
Photo : FB/CVN |
Tout d’abord, il faudrait que les éducateurs changent leur point de vue afin de se tourner vers une éducation multi-culturelle, multi-linguistique. Souvent, on entend parler “égalité entre les hommes et les femmes” mais actuellement, il est important d’assurer aussi une égalité linguistique, c'est-à-dire, on devrait respecter la valeur de chaque langue, chaque culture sans distinguer ou comparer.
Ensuite, les jeunes francophones ont plein d’opportunités de travailler même de faire des études à l’étranger mais l'important est de s’informer à temps. Alors, mieux vaut que les universités collaborent avec les lycées pour réorienter les bacheliers vers une filière universitaire francophone. De plus, les universités devraient maintenir la connexion avec les entreprises ou les anciens étudiants pour trouver des débouchés pour les diplômés francophones.
Enfin, il est souhaitable d’attirer les étudiants francophones via TikTok, Facebook... les applications souvent utilisées par les jeunes. Ces derniers temps, certaines pages sur Facebook créent des contenues rigolos et dramatiques en Français pour “moderniser” le français. Avec la créativité des francophiles, ils donnent un nouveau souffle à l’apprentissage du français. Celui-ci ne se limite pas aux connaissances linguistiques acquises à l’école, mais s'intègre aussi peu à peu dans la vie quotidienne via des vidéos, des images “de tendance” sur les réseaux sociaux. Prenons un exemple : des étudiants de l’ESCE ont mis en place des vidéos sur Tiktok pour faire connaître leur filière “Français commercial” ou les lycéens francophones du lycée d’excellence Tran Phu ont posté des vidéos de petit-jeu afin de présenter au public la culture française.
En même temps, les activités extra-universitaires pour les étudiants deviennent une source officielle pour renforcer la communauté francophone. Les clubs de français dans des universités se voient comme des ambassadeurs qui transfèrent l’amour pour la langue française et créent le lien avec les organisations ou les recruteurs dans l’avenir.
Anatole France a dit : “La langue française est une femme. Et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, touchante, voluptueuse, chaste, noble, familière, folle, sage, qu'on l'aime de toute son âme, et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle”. Cette belle langue séduisante nous offre des chances pour réussir nos études dans un pays francophone ou avoir une belle carrière dans les entreprises ou structures francophones partout dans le monde. Ainsi, cette langue mérite d’être enseignée et apprise à grande échelle mais évidemment avec les efforts des décideurs dans la création des opportunités d’emplois et d’échanges pour les jeunes francophones.
Truong Thi Hà Ninh - Nguyên Trường Giang/CVN