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Le ministre français de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, Stéphane Le Foll, le 14 mars 2016 à Bruxelles. |
Devant les ministres de l'Agriculture des 28 réunis à Bruxelles, le commissaire européen Phil Hogan s'est dit "prêt à proposer" l'activation d'une mesure permettant aux opérateurs du secteur laitier de s'entendre, sur une base volontaire, sur des limitations de la production pour une période de six mois (renouvelable une fois).
L'objectif est de mettre fin à l'effondrement des prix au moment où l'offre dépasse largement la demande dans des pans entiers de l'agriculture européenne, notamment dans le lait et la viande de porc. Le plan d'urgence débloqué il y a six mois n'a pas suffi à soulager le secteur.
Pour lutter contre l'appauvrissement des exploitations, Phil Hogan a proposé aussi un doublement, pour une période limitée, des niveaux autorisés de stockage pour le lait écrémé en poudre et le beurre, à respectivement 218.000 tonnes et 100.000 tonnes.
Il s'agit de repousser le moment où les éleveurs laitiers seraient contraints d'écouler leur production par des adjudications, et "retomberaient dans cette trappe à baisse des prix", a expliqué le ministre français Stéphane Le Foll, se félicitant de la mesure.
La France a vu ses vœux amplement exaucés puisqu'elle demandait que le plafond soit relevé à 160.000 tonnes pour la poudre de lait, contre 109.000 actuellement.
"Pour la première fois a été pris en compte le fait que nous étions en surproduction et qu'il fallait des mesures pour limiter, modérer, maîtriser la production", a souligné M. Le Foll, selon qui "la plupart, voire la totalité, des propositions françaises" ont été retenues lors de cette réunion de crise.
S'il est trop tôt pour parler d'un accord des 28 en bonne et due forme, le ministre néerlandais Martijn van Dam, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, a assuré que les nouvelles mesures avaient reçu "un large soutien" des États membres. Une nouvelle réunion des 28 doit en débattre en juin.
Invités à proposer de nouvelles pistes après l'insatisfaction suscitée par le plan d'aide de septembre, les États membres ne s'étaient pas fait prier : "Il y a eu cent propositions de nouvelles mesures", a précisé M. van Dam. Elles ont été débattues lundi 14 mars alors qu'une centaine d'agriculteurs belges manifestaient à proximité des institutions européennes, certains venus avec leurs vaches, agneaux ou porcelets.
"Aujourd'hui nous produisons à perte et nous attendons de l'Europe qu'elle remette en place des mécanismes qui existaient par le passé pour nous empêcher de faire faillite", a expliqué François Lejeune, vice-président de l'Association des jeunes agriculteurs de Wallonie.
Un Observatoire du marché de la viande
La France, première puissance agricole européenne, a multiplié les contacts avec d'autres gouvernements. Elle estime désormais avoir rallié "une large majorité" autour de ces mesures pour "stabiliser puis réduire" la production de lait, dont les niveaux, exceptionnels en Europe depuis la fin des quotas en avril 2015, contribuent à l'effondrement des prix.
Une éleveuse laitière française trait ses vaches à Laguiole, dans l'Aveyron. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Pour répondre à la crise porcine, M. Hogan s'est dit prêt à envisager un nouveau schéma de soutien au stockage privé des carcasses, ainsi qu'à la mise sur pied d'un Observatoire du marché de la viande (bovine et porcine) sur le même modèle que celui existant pour le lait.
Quant aux aides d'État à notifier à la Commission, elles pourront exceptionnellement s'élever jusqu'à 15.000 euros par exploitation en 2016, soit trois fois le plafond existant (15.000 euros étalés sur trois ans), a ajouté M. Hogan, disant avoir entendu les requêtes de "nombreux États membres".
Pour le secteur des fruits et légumes les mesures de soutien exceptionnelles consécutives à l'embargo russe qui arrivaient à échéance le 30 juin devraient être prolongées d'un an.
Plusieurs pays réclamaient aussi des crédits à l'exportation, mais la Commission ne souhaite pas accepter de nouvelles dépenses financées par de "l'argent frais", et a des réticences à utiliser "la réserve de crise" européenne, "parce qu'il s'agit de l'argent des agriculteurs".
Le plan d'urgence européen lancé il y a six mois prévoyait notamment 500 millions d'euros, principalement sous forme d'enveloppes nationales d'aides directes aux agriculteurs des secteurs les plus touchés, que les États membres peuvent doubler avec des fonds nationaux. La Commission fait valoir que les aides débloquées n'ont pas toutes été utilisées par les États membres.
AFP/VNA/CVN