>>La BCE sommée de tenir ses promesses tout en ménageant les banques
Le président de la BCE, Mario Draghi, à Francfort, le 10 mars. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Ce faisant, son président Mario Draghi, engagé dans une lutte sans merci contre l'inflation trop basse, est même allé plus loin que ce qu'on attendait de lui, réjouissant les marchés dans un premier temps, mais donnant aussi l'impression que la BCE a maintenant donné "le maximum".
Le conseil des gouverneurs de l'institution monétaire a décidé d'abaisser encore davantage l'ensemble de ses taux directeurs, déjà au plus bas depuis plus d'un an. Et la BCE pourrait aller encore plus bas, si cela s'avérait nécessaire, a assuré M. Draghi. D'autant qu'elle a revu à la baisse ses prévisions de croissance et d'inflation pour 2016 et 2017.
En parallèle, la banque centrale va muscler à partir d'avril son vaste programme de rachats de dettes, le "QE" pour "Quantitative Easing", en rachetant jusqu'à 80 milliards d'euros de titres chaque mois, contre 60 milliards jusqu'à présent, et ce jusque mars 2017.
Au total, en deux ans, la BCE aura déboursé d'ici là à ce titre 1.740 milliards d'euros. La palette des titres éligibles au rachat de dettes a été élargie pour inclure des obligations émises par des entreprises de la zone euro - à l'exclusion des banques.
Un nouveau programme de prêts géants pour les banques complètera le dispositif. L'objectif est d'inciter les banques à faire circuler l'argent dans l'économie, pour faire repartir le crédit, les prix, et la croissance.
"Ecrasante majorité"
"Nous avons montré que nous ne sommes pas à court de munition", a martelé M. Draghi, indiquant que "l'écrasante majorité" du conseil des gouverneurs s'était rangée derrière les mesures prises jeudi 10 mars. La preuve, selon lui, de la "volonté" de la banque centrale à gagner la bataille contre l'inflation trop basse, alors que des rumeurs ont fait état ces derniers mois de dissensions au sein du conseil.
Le siège de la BCE à Francfort, le 10 mars. |
M. Draghi en a profité pour égratigner les partisans du statu quo, au rang desquels le gouverneur de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann. Une politique du "non à tout" aurait conduit à "une déflation désastreuse", a martelé l'Italien, prononçant la formule "non à tout" en allemand ("nein zu allem").
La banque était sous pression pour frapper fort, après avoir déçu les marchés une première fois en décembre. Les effets des outils déjà déployés se font encore attendre. Un an après avoir dégainé la première version de son "QE", l'inflation s'affiche à -0,2% en zone euro, très loin de l'objectif d'une hausse des prix proche mais inférieure à 2%.
La faute à la chute sans fin des prix du pétrole et à une reprise toujours atone sur le Vieux Continent, assombrie par le ralentissement des économies émergentes.
Doutes persistants
Toutes les mesures annoncées jeudi 10 mars vont au-delà des espérances des marchés, qui attendaient seulement une augmentation des rachats de dettes et une baisse d'un des taux directeurs, le taux de dépôt.
Le Fonds monétaire international (FMI) a salué ces annonces, estimant qu'elles allaient "contribuer à contrer les risques croissants sur les perspectives de croissance et d'inflation" en Europe.
"Elles vont faire en sorte que les meilleures conditions de financement des banques profitent à l'économie réelle en encourageant l'octroi de davantage de prêts", a indiqué un porte-parole de l'institution.
Les marchés ont dans un premier temps jeudi 10 mars tiré leur chapeau à cette offensive monétaire, avec de fortes progressions des Bourses et une chute marquée de la monnaie unique. Mais l'humeur a rapidement tourné et Francfort a fini sur une forte baisse de 2,31%, pendant que Paris terminait en recul de 1,70% et Londres de 1,78%.
Les premières réserves se faisaient déjà entendre sur l'efficacité de l'action de la BCE. "C'était le maximum que la BCE puisse faire, mais cela ne suffira pas à lever les doutes sur l'impact de ces mesures", soulignait Carsten Brzeski, économiste chez ING.
De plus en plus d'observateurs mettent en doute la capacité de l'institution à ramener l'inflation vers sa cible - et celle des banques centrales de manière générale à agir sur l'économie. Pour Jonathan Loynes, de Capital Economics, "la BCE a finalement tenu ses promesses mais elle ne peut pas faire des miracles".