Les marchés boursiers européens ont salué cet accord en s'envolant lors des premiers échanges, dopés par le bond des valeurs bancaires. La Bourse de Tokyo a clôturé en hausse de 2,04%. "Je crois que le résultat sera accueilli avec soulagement par le monde entier qui attendait des réponses fortes de la zone euro", a déclaré le président français Nicolas Sarkozy au terme de près de dix heures de tractations lors d'un sommet sous haute tension à Bruxelles. Sans cela, il y aurait eu "une possible catastrophe", a-t-il estimé. "Je pense que nous avons pu être à la hauteur des attentes et que nous avons fait ce qu'il fallait faire" pour l'euro, a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel.
Dans le détail, les dirigeants européens ont réussi à lever in extremis un blocage portant sur un point central de leur système de défense face à la crise qui déstabilise la monnaie commune depuis deux ans : l'effacement d'une partie de la dette grecque détenue par les banques créancières du pays.
L'accord conclu porte sur un renoncement de 50% de leurs créances, soit cent milliards d'euros sur un total d'endettement public du pays de 350 milliards d'euros.
Athènes recevra en outre de nouveaux prêts de l'Europe et du FMI de 100 milliards d'euros également d'ici à fin 2014, dans le cadre d'un programme qui remplace celui de 109 milliards d'euros décidé en juillet. "Une nouvelle ère s'ouvre pour la Grèce", a déclaré le Premier ministre grec Georges Papandréou.
Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, ont dû intervenir personnellement dans la nuit pour trouver un compromis avec les banques, alors que les discussions étaient enlisées. Les négociations ont été "très dures", aux dires de M. Papandréou.
Le 21 juillet, un premier accord avait été trouvé avec les banques en vue de réduire de 21% la dette grecque qu'elles détiennent. Mais cela ne suffit plus et le pays est aujourd'hui étranglé. D'où les efforts depuis plusieurs semaines pour aller beaucoup plus loin.
L'Allemagne a exercé une pression intense, exigeant un effort le plus important possible, supérieur à 50%, et menaçant les banques de passer par la manière forte si nécessaire, à savoir une restructuration imposée de la dette grecque.
La France et la Banque centrale européenne s'y sont opposées par crainte d'un effet domino dans toute l'Europe.
En échange de l'effort demandé au secteur bancaire, un accord a été trouvé pour recapitaliser les établissements qui en auraient besoin.
Concrètement, les besoins ont été chiffrés à 106 milliards d'euros par l'Autorité bancaire européenne (EBA). Toutefois, les marchés estiment qu'ils sont nettement supérieurs. Le FMI a lui-même parlé de 200 milliards d'euros.
Un mécanisme permette de mobiliser davantage de fonds
Au-delà, les pays de la zone euro ont décidé de démultiplier la puissance de feu de leur Fonds de secours financier pour les pays en difficulté en la portant à 1.000 milliards d'euros dans un premier temps.
Cette enveloppe doit permettre d'éviter que la crise de la dette ne gagne l'Italie et l'Espagne.
Actuellement, le Fonds de secours (FESF) est doté d'une capacité de prêts théorique de 440 milliards d'euros, enveloppe jugée insuffisante face à l'ampleur des turbulences.
Les pays de la zone euro ont opté pour un mécanisme permettant de mobiliser davantage de fonds, sans que les États ne dépensent plus : un "effet de levier".
En l'occurrence, cela consistera à offrir un système d'assurance-crédit aux investisseurs pour les inciter à acheter de la dette publique d'États fragiles en garantissant une partie de la dette.
À ce dispositif serait ajouté un autre mécanisme, un fonds spécial adossé au FMI et accueillant les contributions de pays émergents comme la Chine et la Russie. Le sujet est politiquement très sensible et ce dernier volet est impossible en l'état à chiffrer.
La Chine et la Russie ont fait état de leur intérêt et le chef de l'État français, Nicolas Sarkozy, a prévu de s'entretenir de ce sujet avec le président chinois Hu Jintao le 27 octobre.
Le Japon a également promis le 27 octobre son aide car "une Europe stable est dans l'intérêt de notre pays", selon son ministre des Finances, Jun Azumi.
Il n'est pas certain néanmoins que le montant de 1.000 milliards d'euros suffise à rassurer durablement les marchés financiers. Ils attendaient à l'origine le double.
Dernier volet du système anticrise : la zone euro compte sur la poursuite du soutien de la BCE, qui actuellement maintient à flot l'Italie et l'Espagne en rachetant leur dette publique sur les marchés pour éviter que les taux d'emprunt obligataires ne s'envolent.
L'Italien Mario Draghi, qui doit succéder début novembre à Jean-Claude Trichet, a signifié mercredi qu'il poursuivrait sur la même voie en maintenant les mesures "non conventionnelles" de l'institut monétaire face à la crise.
M. Sarkozy s'est "réjoui" de ces déclarations qui montrent que la BCE est "derrière" les décisions qui ont été prises. Le rôle de la BCE dans les mécanismes de lutte contre la crise de la dette a été au centre d'un bras de fer franco-allemand ces dernières semaines, Berlin refusant que l'institut participe directement au FESF.
AFP/VNA/CVN