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Alexandra Tavernier lors des qualifications du lancer de marteau aux JO de Tokyo, le 1er août. |
"Je n'ai pas honte de le dire, j'ai fait une dépression en 2016, a raconté la vice-championne d'Europe du marteau, qualifiée dimanche 1er août pour la finale des JO qui aura lieu mardi 3 août. Je n'ai jamais eu de saison blanche pour des blessures physiques mais j'ai eu des saisons blanches pour des blessures du cerveau".
Pour la lanceuse originaire d'Annecy (France), les ennuis ont commencé au lendemain de sa médaille de bronze mondiale décrochée à Pékin en 2015 à l'âge de 21 ans. Arrivée jeune sur le devant de la scène, Tavernier a dû quitter très tôt le cocon familial, découvrant l'envers du décor du sport professionnel et les rudes exigences du haut niveau.
Prise de poids, déprime : l'éloignement des siens a complètement bouleversé son équilibre.
"J'ai changé subitement de lieu d'entraînement et je suis arrivée dans une région que je ne connaissais pas (à Lannion en Bretagne, ndlr), a-t-elle expliqué. C'était compliqué, surtout qu'on a toujours été bichonnée, à l'Insep ou chez les parents. Il a fallu se prendre en main, apprendre ce qu'est la vie, sauf que normalement on doit l'apprendre progressivement. Là, j'ai été au pied du mur tout de suite".
Les résultats sont alors en berne après des débuts fracassants (championne du monde juniors en 2012). La Française subira ainsi la seule élimination de sa carrière en qualification d'un grand championnat sur un zéro pointé en 2016 lors de l'Euro disputé à Amsterdam.
C'est le moment qu'elle choisit pour consulter à partir de 2017 une psychologue, Meriem Salmi, qui s'occupe entre autres de Teddy Riner. Elle change aussi d'entraîneur en optant pour Gilles Dupray, recordman de France du marteau.
"Insouciance perdue"
Alexandra Tavernier en argent aux Championnats d'Europe de Berlin, le 12 août 2018. |
"Cette médaille de 2015 avec son insouciance, elle l'a méritée, mais après des choses l'ont rattrapée, cette insouciance a été perdue", avance le technicien.
Le travail a en tout cas porté ses fruits, Alexandra Tavernier retrouvant le haut de l'affiche dès les Championnats d'Europe de Berlin en 2018 avec une 2e place derrière la reine polonaise du marteau Anita Wlodarczyk. Et elle aborde les JO de Tokyo avec de possibles chances de médaille après avoir amélioré en début d'année son record de France (75,38 m).
"Cela marche bien, j'appréhende mieux les choses, dans ma vie sportive et personnelle", affirme Tavernier qui assume totalement son choix de se faire assister sur le plan mental.
"Cela demande du courage de faire le premier pas mais ce n'est pas tabou d'aller voir un psy, de discuter de nos problèmes, indique-t-elle. Chez un sportif, ça peut être perçu comme une marque de faiblesse, mais je trouve au contraire que c'est une grande force. Il faut le dire haut et fort. Un sportif a des doutes, on reste des humains, pas des machines".
Désormais parfaitement épanouie et bien installée dans son repaire breton, dans le petit village de Pluzunet (Côtes d'Armor), celle qui se définit comme une athlète de "haut niveau rural" s'étonne surtout de la frilosité française sur la question sensible de la prise en charge de la dépression chez les sportifs, devenue un sujet d'actualité avec les déboires de Simone Biles ou de la joueuse de tennis japonaise Naomi Osaka.
"On est des arriérés par rapport à la préparation mentale, estime-elle. J'ai des relations avec des Polonaises, des Américaines. On est à des années-lumière de ce que l'on pourrait faire sur la prise en charge du mental. L'ancien DTN Patrice Gergès avait monté une cellule et avait été un pionnier dans ce domaine. Cela commence tout juste à se démocratiser. Il faut que l'on arrive à ouvrir ces portes-là parce que le mental c'est 80% de la performance".