Guinée : la réélection de Condé au 1er tour accueillie dans le calme

Le président guinéen sortant Alpha Condé a été déclaré le 17 octobre vainqueur au premier tour de la présidentielle, une réélection contestée par l'opposition, qui compte manifester "le moment venu", mais dans l'immédiat les deux camps affichaient leur volonté d'apaisement.

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À l'étonnement de nombreux habitants de la capitale, rentrés chez eux par appréhension des violences post-électorales chroniques en Guinée, un calme relatif régnait le soir du 17 octobre à Conakry après l'annonce des résultats.

La Commission électorale a proclamé Alpha Condé élu au premier tour avec 57,85% des suffrages exprimés, soit 2.285.827 voix, devant le chef de l'opposition Cellou Dalein Diallo, à 31,44% (1.242.362 voix), les six autres candidats étant totalement distancés.

Dénonçant une fois de plus une "mascarade", M. Diallo a annoncé renoncer à saisir la Cour constitutionnelle, institution dont il conteste l'indépendance.

Le président guinéen sortant Alpha Condé vote, le 11 octobre 2015 à Conakry, lors des élections présidentielles.
Photo : AFP/VNA/CVN

En revanche, le chef de l'opposition a précisé qu'il appellerait, "le moment venu, les autres candidats et tous les citoyens qui sont les vraies victimes de ce hold-up électoral à organiser, conformément à la loi, des manifestations pacifiques". "En attendant, je demande à tous les Guinéens de faire preuve de retenue et d'éviter toute forme de violence", a-t-il conclu.

Préventivement, le gouverneur de Conakry a exhorté la population "à la retenue, à éviter toute manifestation de joie dans la rue". Et le parti au pouvoir a appelé "ses militants à s'abstenir de toute manifestation de joie dans la rue et dans les lieux publics".

Les Guinéens ont voté dans le calme le 11 octobre, mais sous tension, la campagne de M. Condé visant une réélection au premier tour. Une performance jugée par ses adversaires irréalisable sans fraude caractérisée, cinq ans après sa victoire sur le fil au second tour sur Cellou Dalein Diallo.

Le président Condé tablait pour l'emporter sur son bilan : réforme de l'armée et de la justice, achèvement du barrage hydroélectrique de Kaléta, transparence sur l'attribution aux sociétés minières des contrats d'exploitation des précieuses ressources du pays (bauxite, minerai de fer...).

Ses détracteurs l'accusent de mauvaise gestion, lui reprochant notamment son échec face à l'épidémie d'Ebola depuis décembre 2013 - deux nouveaux cas ont été signalés cette semaine, alors que les pays voisins n'en comptent plus aucun - d'autoritarisme et d'attiser les tensions ethniques.

Rentrée des classes reportée

"On s'attendait tous à cela", a confié Harouna Condé, militant du parti au pouvoir. "Il méritait d'être plébiscité encore une fois à la tête de la nation", a-t-il estimé.

L'opposition a incriminé la participation record enregistrée dans les bastions de M. Condé (20 points de plus que la moyenne nationale de 68,36% dans sa région d'origine), favorisée selon elle par des décisions de la Commission électorale assouplissant les règles de vote en plein scrutin, ainsi que des inégalités géographiques dans la distribution des cartes d'électeur.

Mais elle risque d'avoir du mal à se faire entendre, les recours judiciaires en matière électorale, auxquels l'invite la communauté internationale, n'ayant jamais abouti en Guinée.

Le président de la Commission électorale guinéenne Bakary Fofana s'exprimant le 17 octobre 2015 au siège de l'Assemblée nationale à Conakry.

Rappelant qu'il s'agissait "de résultats encore provisoires qui devront être validés par la Cour constitutionnelle", le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, a encouragé "fortement tous les acteurs qui souhaitent les contester à user du droit de recours" prévu par la Constitution et le Code électoral.

Présent à Conakry, le responsable de l'ONU a demandé "instamment", dans un message vidéo diffusé le soir du 17 octobre, "à tous les leaders politiques et à leurs partisans de faire preuve de retenue et de s'abstenir de tout acte d'intimidation ou de violence, y compris verbale".

Le porte-parole du candidat Alpha Condé, Albert Damantang Camara, a déploré l'attitude de l'opposition, jugeant "incompréhensible que, de but en blanc, sans avoir même essayé un quelconque recours que ce soit, on déclare vouloir manifester dans la rue pour revendiquer ses droits". "Il y a une Cour constitutionnelle, celle-là même qui vient d'être mise en place, qui n'a pratiquement jamais fonctionné", a-t-il souligné, s'étonnant "qu'on puisse douter a priori de sa compétence ou de son impartialité".

Par ailleurs, la rentrée scolaire, prévue le 19 octobre, a été reportée au 2 novembre, le ministère de l'Enseignement, les représentants des parents d'élèves et des enseignants, compte tenu des tensions autour des résultats électoraux, estimant "plus prudent de garder les enfants à la maison", selon le gouvernement.

La présidentielle de 2010 et les législatives de 2013 avaient été entachées par des violences et accusations de fraude. Ancien opposant, Alpha Condé est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest, dirigée jusqu'alors par des pouvoirs autoritaires ou dictatoriaux.

AFP/VNA/CVN

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