Andrew vit dans cette église désaffectée mais chaleureuse de la banlieue de Londres, que son propriétaire, l'Église réformée unie, veut protéger contre les squatteurs. Il paie 310 euros de loyer par mois. Une aubaine pour Londres, l'une des capitales les plus chères d'Europe, où le loyer moyen engloutit la moitié du salaire d'une personne.
"C'est fantastique. Tu habites un endroit incroyable pour un tout petit loyer. Quand j'en ai entendu parler la première fois, je me suis dit que c'était trop beau pour être vrai!", raconte Andrew, 41 ans, installé dans son canapé crème face à l'orgue de l'église.
Le principe est simple. De nombreux bâtiments sont inoccupés à Londres, avant d'être vendus ou réaménagés. Pour éviter les squatteurs et ne pas payer une fortune en sécurité, leurs propriétaires les confient à des agences spécialisées qui les louent temporairement à des particuliers, surnommés "gardiens".
Par leur seule présence, "les +gardiens+ assurent une sécurité bon marché", explique Doug Edwards de l'agence Ad Hoc, qui facture moins de 230 euros par semaine le service au propriétaire. "En échange, les gardiens ont des loyers très bon marché", avec un rabais de 50% voire plus sur le prix du marché, dans des quartiers parfois hors de prix.
Comme cet appartement de 300 mètres carré surplombant Green Park, à quelques minutes du palais de Buckingham, loué 230 euros par semaine.
Ou encore ce logement sur King's Road dans le quartier huppé de Chelsea. "Le +gardien+ vivait à côté de deux footballeurs de Chelsea, et ça lui coûtait 300 euros par mois !", affirme M. Edwards.
Revers de la médaille : le "gardien" peut être sommé de quitter son logement dans un délai de deux semaines. En un an, Daniel, éboueur et écrivain, a déménagé quatre fois. Une situation dans laquelle il trouve finalement son compte.
"J'ai vécu à Hampstead", un quartier prisé du Nord de Londres, "et j'habite maintenant Warren Street", au cœur de la capitale. "C'est sympa de découvrir de nouveaux endroits", explique-t-il, assis dans sa chambre de 40 mètres carré éclairée par des néons, vestiges de l'époque où son immense appartement faisait office de bureaux.
Daniel, 26 ans, doit partager deux douches avec les douze "gardiens" de l'immeuble, "mais à 68 euros par semaine, y'a rien à redire".
Pour devenir "gardien", il faut remplir plusieurs critères : toucher un salaire régulier, n'avoir ni animal ni enfant, et ne pas faire la fête.
Son rôle consiste simplement à signaler le moindre dégât. Résultat : les agences ont des listes d'attente de plusieurs centaines de personnes.
Arthur Duke, de l'agence Live-in-Guardians, a noté une nette augmentation du nombre de candidats ces trois derniers mois, un phénomène qu'il attribue en partie à la crise. "On a des médecins, des pompiers, des artistes, des comptables, des gens qui travaillent à la City."
Pour une majorité de "gardiens", "le but est d'économiser" pour acheter un appartement, précise-t-il. Des couples choisissent aussi cette option pour épargner en vue de leur mariage, selon M. Edwards.
Quasiment tout bâtiment vide peut être utilisé, moyennant un aménagement minimum comme l'installation de douches, estime-t-il. Des centaines d'anciens bureaux, écoles, églises ou même piscines et maisons de retraite sont ainsi convertis momentanément en logement à Londres. Ce qui donne parfois lieu à des situations rocambolesques.
"Des gens me prennent pour le vicaire", confie Andrew. "Une personne est venue me demander des conseils spirituels. J'ai d'abord été tenté de jouer le jeu, et puis je me suis retenu et lui ai indiqué l'église la plus proche !", ajoute-t-il dans un éclat de rire, amplifié par l'acoustique de l'église.
AFP/VNA/CVN