Récemment, le Liban a été classé avant-dernier sur 172 pays en termes de vitesse de connexion, derrière l'Afghanistan et le Soudan, selon des tests effectués entre septembre et octobre par speedtest.net, une référence mondiale en la matière.
De quoi faire rager les Libanais qui raffolent des nouveautés technologiques, sans parler des chefs d'entreprises, pénalisés par un débit jugé catastrophique. "Récemment, nous avons créé la marque d'un nouveau restaurant au Qatar", affirme Boudy, 34 ans, dont l'agence WonderEight travaille pour Pepsi ou encore Microsoft. "Mais ce serait plus facile d'envoyer ce +package+ sur CD via DHL. Cela nous prendrait trois jours, au lieu d'une semaine via Internet".
À l'instar de ses compatriotes, Boudy s'"adapte". "Au Liban, vous cliquez sur +envoi+ puis vous faites autre chose. Un téléchargement réalisé ailleurs en dix minutes peut vous prendre une demi-journée". "Nous envoyons et recevons 200 emails par jour, sans compter les recherches, le téléchargement d'images et de vidéos, alors imaginez notre calvaire", lance-t-il. "Et ne parlons même pas de vidéo-conférences, on communique avec l'étranger via... Skype".
La situation était si désespérée que le ministère des Télécoms, qui monopolise 80% de ce marché lucratif, a lancé au 1er octobre un plan censé augmenter de quatre à huit fois la vitesse de connexion et réduire les tarifs jusqu'à 80%.
Ceci grâce à l'augmentation de la capacité sur le câble maritime international Inde-Moyen-Orient-Europe de l'Ouest (IMEWE), qui avait été retardée en raison d'une querelle entre le ministère et Ogero -la compagnie publique de téléphonie fixe-, liés à deux camps politiques rivaux. "Notre plan le moins cher est un Mégabit par seconde (Mbps) à 16 dollars par mois, contre 70 dollars auparavant", explique Firas Abi-Nassif, conseiller du ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui.
Une prochaine étape prévoit le déploiement de fibre optique sur le territoire à partir de 2012 pour obtenir des vitesses supérieures. Mais deux semaines après le lancement du plan, à peine 25% des consommateurs ont vu leur connexion évoluer, selon un sondage effectué par la page Facebook "Lebanese want faster Internet", qui compte près de 50.000 fans. "Ils nous ont dit qu'Internet serait rapide à partir du 1er octobre, mais sans préciser l'année!", ironise un internaute désabusé. "Cela va être graduel", selon M. Abi-Nassif, qui espère une augmentation du taux de pénétration de l'ordre de 40%. Actuellement 35% des foyers ont Internet.
Le secteur privé qui contrôle le reste du marché est plutôt satisfait. "L'État nous vendait la connexion internationale à 2.700 dollars pour deux Mbps alors qu'en France ça coûte 50 euros", affirme Habib Torbey, directeur exécutif d'IDM, un fournisseur de services Internet (ISP). "C'est devenu 429 dollars, c'est favorable au marché". Mais les ISPs se plaignent du monopole de l'État, des licences renouvelées chaque année et des taxes.
Une libéralisation du secteur, poule aux oeufs d'or de l'État, attirerait les multinationales, qui paient encore des milliers de dollars en télécoms. "Beaucoup de compagnies se sont détournées du Liban en raison des coûts exorbitants", affirme Khaldoun Farhat, du ISP Terranet, alors que loyers et main d'oeuvre sont moins chers qu'à Dubaï.
Selon lui, un meilleur débit créera des emplois dans un pays qui souffre d'une fuite des cerveaux. Selon un rapport de la Banque mondiale, pour un emploi détruit par Internet, 2,4 sont créés.
Pour Mark Daou, 32 ans, co-administrateur de "Lebanese want faster Internet", le plan est positif mais insuffisant. "Il faut un projet d'envergure de réforme", dit-il. "Ils doivent comprendre que pour notre génération, Internet est aussi vital que l'eau ou l'électricité".
AFP/VNA/CVN