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La traileuse Anne-Lise Rousset, accompagnée de deux lièvres, lors de son passage au col de Vergio, le 13 juin, a pulvérisé, en 35 heures, le record féminin du mythique GR 20 en Corse sur 170 km et 13.000 m de dénivelé positif. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les larmes aux yeux mais le visage barré d'un large sourire, fidèle à son image, Anne-Lise Rousset a passé en petites foulées le point d'arrivée du GR 20 à Conca (Corse-du-Sud) à 17h50 pour devenir la première femme à courir sous les 40 heures, abaissant de près de six heures le record d'Emilie Lecomte (41 h 22 min en 2012).
Passionnée de trail depuis 2009 pour le pur plaisir, cette vétérinaire rurale, maman d'un petit garçon depuis onze mois, n'avait jusqu'à présent jamais couru plus de 100 km mais s'était durement entraînée, plusieurs fois sur le GR 20 et en faisant beaucoup de musculation.
Elle a traversé la Corse du Nord au sud accompagnée uniquement de deux "pacers" (lièvres ou meneurs d'allure), comme le prévoit le nouveau règlement, deux jours durant sous un soleil de plomb, une nuit à chercher son chemin sur des étroits sentiers rocailleux et dangereux.
Privée de sommeil, elle a tenu par amour de la course, conquise par la technicité du GR 20, portée par le soutien de ses amis et de son entraîneur et mari, Adrien Séguret, et des petits câlins de leur fils Faustin sur les points relais du parcours.
Rousset est la quatrième femme à terminer le GR 20 depuis la première homologation en 1989 et signe la sixième performance de l'histoire - hommes et femmes confondus - du sentier de randonnée, considéré comme l'un des plus durs en Europe. Le record absolu est détenu depuis juin 2021 par Lambert Santelli en 30 h 25.
Manger
"Je prendrai la dimension plus tard, les estimations c’était mon mari qui m’entraine qui les avait faites, on était plus sur 36 h 30. Descendre sous les 36 heures je ne pensais pas y arriver", a-t-elle dit à peine arrivée. "Il y a tellement d'émotions ! Une grosse fatigue et une joie immense d'avoir pu réussir à venir à bout de ce GR".
Partie lundi 13 juin à 6h00 depuis Calenzana (Haute-Corse), la sportive de 33 ans, qui avait marqué les esprits en 2020 avec le record de la traversée des Aravis (49 km et 6.110 m de dénivelé positif en 10h35) a usé quatre paires de chaussures pour ce nouvel exploit et a réussi à s'alimenter.
"J'ai médicalisé énormément de trails et sur les ultras on voit beaucoup de problèmes digestifs. C'est le problème No1 qui fait qu'on abandonne un trail. Ceux qui gagnent les ultras sont ceux qui continuent à boire et à manger. C'est ça l'enjeu", souligne le Dr Stéphane Bergzoll, médecin de l'équipe de France de trail.
La traileuse et vétérinaire française Anne-Lise Rousset, en compagnie de son fils Faustin et de son mari et coach de l'équipe de France, Adrien Séguret, le 5 juin dans leur maison près d'Annecy. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Vers 1h00 du matin, Rousset a montré des signes de difficulté, elle commençait à ne plus vouloir se nourrir. La perte de lucidité s'amorçait. À 04h00, le nouveau tandem de "pacers" l'ont convaincue de dormir cinq minutes pour la remettre sur pied.
"Au delà de dix heures d'effort, physiologiquement on passe dans un autre métabolisme. Ceux qui tiennent à haute intensité ont des qualités digestives et de résistance à la fatigue musculaire que d'autres n'ont pas", relève Bergzoll, impressionné par la traileuse, "hors normes par ses capacités intrinsèques, génétiques".
Sport et grossesse
"Elle a beaucoup de vitesse, de légèreté, elle a un pied que j'ai rarement vu, un poser de pied et un rebond assez unique. Et c'est une sportive de haut niveau, qui fait du sport d'endurance et qui a réussi à faire un enfant. C'est un bel exemple (qui montre) que sport et grossesse, c'est possible", fait valoir le médecin du sport.
Anne-Lise Rousset ne se veut pas "le porte-drapeau du sport féminin" alors que le trail souffre du manque de densité féminine. "Le fait d'être sur un terrain où les filles ne vont pas forcément, ça n'a pas à jouer. Il faut se mettre à égalité, on n'a pas à se poser ce genre de questions. Moi je ne me la pose pas", glisse-t-elle.
En octobre, elle participera pour la première fois à la Diagonale des Fous à La Réunion. Vendredi 17 juin, une autre femme, Karen Courcelle, part à l'assaut du GR 20.
AFP/VNA/CVN