>>Rendez-vous tous azimuts à Matignon pour réformer la Constitution
>>Confiance : Macron (-11) et Philippe (-6) dévissent
Edouard Philippe dévoile la réforme des institutions le 4 avril. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Après des semaines de tractations entre majorité et opposition, le Premier ministre a présenté cette "nouvelle ambition" pour les institutions, lors d'une brève allocution à Matignon, sans grandes surprises. Mais l'espoir d'un accord avec le Sénat, à majorité de droite semblait compromis vu la réaction de LR qui, selon une source proche de la majorité, "signe la mort de la réforme et de la stratégie d'Édouard Philippe" de transiger avec la chambre haute.
Dans une France aux prises avec le terrorisme et en pleines "tensions sociales", cette réforme est "totalement éloignée des préoccupations de nos compatriotes", ont cinglé les responsables LR, de Laurent Wauquiez à Gérard Larcher, en passant par Christian Jacob et Bruno Retailleau. Et ce projet va notamment accentuer "la coupure des élus" et "la crise des territoires".
Le chef du gouvernement avait, lui, souligné qu'"il ne s'agit ni de revenir à la IVe République, ni de passer à la VIe", mais de "revenir aux sources de notre Ve République", bientôt sexagénaire. Pour le président de l'Assemblée François de Rugy (LREM), "la balle est maintenant dans le camp du Parlement", espérant "un accord avec le Sénat".
À gauche, les critiques étaient aussi vives sur la réforme. "Tout ça pour ça", ont lâché les patrons des sénateurs et députés PS Patrick Kanner et Olivier Faure, regrettant un "toilettage superficiel" de la Constitution et s'inquiétant d'une "hyperprésidence". "La Constituante plutôt que ces bricolages de technos autoritaires", a tweeté le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon.
Parmi les sujets les plus scrutés, la "dose" de proportionnelle : 15% pour les législatives à compter de 2022. Le MoDem, allié du gouvernement, poussait pour 25%. Le projet global n'est qu'"un point de départ", il y aura "beaucoup de choses à améliorer" lors du débat parlementaire, a aussitôt réagi François Bayrou. 15%, "une aumône à la démocratie", a tweeté la présidente du FN Marine Le Pen.
À l'inverse, LR a dénoncé "une lourde erreur" menaçant la "stabilité" des institutions "héritées du général de Gaulle". Autre chiffre clef : moins 30% de parlementaires. Cela aboutira à 244 élus au Sénat, 404 à l'Assemblée, dont 60 à la proportionnelle.
La Corse dans la Constitution
Promis également par Emmanuel Macron, le non-cumul de plus de trois mandats "identiques, complets et consécutifs" dans le temps s'appliquera aux parlementaires et présidents d'exécutifs locaux. Les maires des communes de "moins de 9.000 habitants" ne seront pas concernés, le seuil initial de 3.500 ayant été relevé, sans doute pour tenter de satisfaire le Sénat.
Graphique résumant quelques points de la réforme des institutions présentée par Edouard Philippe mercredi 4 avril |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Edouard Philippe a confirmé la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, la suppression de la Cour de justice de la République mais avec un "filtre" de contrôle, ou la réduction de moitié des membres du Cese. Mais aussi une série de modifications pour le processus parlementaire au nom de "l'efficacité", dont des amendements plus limités mais pas contingentés.
Outre la Corse, conformément à l'une des rares revendications nationalistes retenues par le président de la République, la lutte contre le changement climatique sera inscrite dans la Constitution. Les trois textes déclinant la réforme (projet de loi ordinaire, organique, Constitutionnel), transmis au Conseil d'État dans les prochains jours, passeront en Conseil des ministres le 9 mai. "L'objectif du gouvernement est de permettre à l'Assemblée nationale de procéder à une première lecture de ces textes avant la pause estivale", puis de "parachever cette réforme en 2019", a précisé le Premier ministre.
Le président avait initialement fixé comme terme l'été 2018. Mais les longues tractations et l'encombrement des travaux parlementaires ont eu raison de ce calendrier. À aucun moment, le Premier ministre n'a évoqué un éventuel recours à un référendum pour faire adopter l'un ou l'autre volet de la réforme. Mais cette arme, très encadrée par la Constitution (articles 11 et 89), pourrait être dégainée pour jouer l'opinion contre les "conservatismes". Un référendum "pourrait être gagné, mais il suffit d'un contexte défavorable pour que ça échoue", jugeait récemment un membre gouvernement, en pleine grève SNCF.