Espagne : Comme au Moyen âge, la transhumance revit en plein Madrid

Comme au Moyen Âge, des troupeaux de moutons ont envahi le 30 octobre le centre de Madrid pour la fête annuelle de la transhumance, en souvenir d'une tradition presque disparue, autorisant depuis le XVe siècle le bétail à traverser la ville.

Serrés les uns contre les autres, bêlant, encadrés par des vaches et des cavaliers, des milliers de moutons venus d'Extrémadure, dans le Sud-Ouest de l'Espagne, des montagnes de la région de Madrid ou du Nord du pays, se sont frayé un chemin à travers la ville pour cette 18e fête de la transhumance.

"La transhumance est encore pratiquée par quelques troupeaux qui descendent du Nord vers les plaines de Castille", raconte Vanesa Sanchez, une éleveuse qui accompagne un groupe de vaches venues de Cantabrie, dans le Nord.

Cette fête, organisée par l'Association transhumance et nature et le ministère de l'Environnement, "rappelle que Madrid était et reste aujourd'hui un chemin de transhumance", ajoute l'éleveuse, sur fond de sifflements des bergers qui accompagnent l'un des troupeaux de moutons.

"Ceux-ci viennent de Colmenar Viejo, à une vingtaine de kilomètres au Nord de Madrid", explique Geronimo Garcia, 69 ans, en montrant les bêtes qui trottinent vers la sortie de la place de la Puerta del Sol, la plus célèbre de Madrid.

Éleveur à la retraite, Geronimo Garcia raconte qu'il a toujours des moutons dans sa ferme de montagne, en souvenir de son enfance dans la région voisine de Ségovie, où il accompagnait ses parents dans les pâturages. "J'allais avec mes parents qui avaient des troupeaux. Je les aidais à guider les moutons", dit-il dans un sourire. Tous les ans, il participe à cette fête qui, pour une journée, colore la capitale avec les costumes et les musiques traditionnelles de plusieurs régions d'Espagne.

"L'un des troupeaux est venu à pied de La Rioja", une région située à plusieurs centaines de kilomètres au Nord de Madrid, en suivant les anciens chemins de transhumance, raconte Geronimo Garcia.

Une dizaine de grandes routes de transhumance existent encore en Espagne, parcourant le pays du Nord au Sud sur 124.330 km, même si très peu d'entre elles sont toujours fréquentées par le bétail et leurs bergers.

Ces sont les derniers descendants de la Mesta, la guilde des éleveurs transhumants qui, en 1418, avaient conclu un accord avec la ville de Madrid les autorisant à traverser la ville deux fois par an, au printemps et à l'automne.

La transhumance était née officiellement un siècle et demi plus tôt, en 1273, lorsque le roi Alphonse X le Sage avait accordé aux éleveurs de la Mesta le droit de voyager librement avec leurs troupeaux, pourvu qu'ils respectent cinq lieux protégés : les cultures de céréales, les vignes, les vergers, les pâturages et les prairies à faucher.

Durant des siècles, trois à cinq millions de moutons ont ainsi transité chaque année par les chemins de transhumance.

Pour avoir le droit de franchir les cols, les éleveurs devaient payer un tribut de cinq moutons pour mille, devenu l'un des impôts les plus importants et les plus réguliers perçus par la Couronne d'Espagne.

Symboliquement, un berger a remis le 30 octobre à un représentant de la ville de Madrid la somme de 160 "maravedies", une monnaie médiévale, s'acquittant du péage dû pour traverser la capitale.

Un groupe de bergers accompagnés de trois chiens ouvrait le long défilé qui a ravi des foules de Madri-lènes et de touristes, rappelant symboliquement les chiens de bergers qui encadraient les troupeaux, pour les contrôler et aussi les protéger des loups ou autres prédateurs.

Pour l'Association transhumance et nature, cette fête a pour but de défendre la survie des voies de transhumance, d'encourager le passage du flambeau entre générations et promouvoir une tradition respectueuse de l'environnement.

AFP/VNA/CVN

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