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La chercheuse Nikki Traylor-Knowles manipule du corail dans un laboratoire de Miami, le 27 octobre en Floride. |
Les chercheurs essaient de déterminer si la transplantation de cellules souches de variétés de corail plus résistantes à la hausse des températures de l'océan et à son acidification vers des coraux plus vulnérables peut les sauver.
L'inquiétude autour du réchauffement climatique les pousse donc à tenter de modifier génétiquement des organismes pour leur survie.
"Les coraux meurent à une vitesse alarmante et ils ne sont pas capables de tenir le choc face au changement climatique", explique Nikki Traylor-Knowles, cheffe de l'équipe chargée de cette étude à l'Université de Miami.
"À ce stade, nous devons tout essayer et voir ce qui fonctionne", estime-t-elle, au moment où se tient à Glasgow, en Écosse, la grande conférence COP26 de l'ONU sur le climat, considérée comme capitale pour l'avenir de l'humanité.
Ce projet est l'une des nombreuses initiatives soutenues par l'organisation non gouvernementale Revive and Restore basée à San Francisco, qui envisage la manipulation génétique comme un bon outil pour la conservation des espèces animales et végétales menacées d'extinction.
Les organismes ont survécu sur Terre sur la durée en évoluant ou en se déplaçant vers des endroits où l'habitat et les températures étaient plus hospitaliers. Mais aujourd'hui, le changement climatique bouleverse l'environnement trop rapidement pour que ce mécanisme d'adaptation naturelle suffise.
Le temps manque, prévient Ryan Phelan, co-fondatrice de Revive and Restore.
"Nous allons devoir intervenir, ou nous allons les perdre", assure-t-elle.
La préoccupation autour des coraux est un sujet particulièrement brûlant car les océans absorbent plus de 90% de l'excès de chaleur dégagée par les émissions de gaz à effet de serre, protégeant les terres mais générant ainsi des vagues de chaleur océanique durables, qui poussent de nombreuses espèces de coraux à bout.
Des coraux examinés au microscope dans un laboratoire du Rosenstiel School of Marine, le 27 octobre à Miami, en Floride. |
Le réchauffement climatique, associé à la pollution et aux pratiques de pêche à l'explosif, a détruit 14% des récifs coralliens mondiaux entre 2009 et 2018, selon un rapport du Réseau mondial de surveillance des récifs coralliens (GCRMN).
Plus de la moitié des huit millions de dollars d'un fonds de Revive and Restore vont vers des projets pour aider à la conservation des coraux.
"Règles adéquates"
"Notre postulat est que les outils que nous développons pour les coraux pourront être utilisés pour d'autres espèces marines", comme le kelp, grande algue brune des côtes nord-américaines, les huîtres ou les étoiles de mer, précise Bridget Baumgartner, de Revive and Restore.
D'autres études génétiques parrainées par l'ONG aux États-Unis ont permis le clonage d'un putois à pieds noirs à partir de cellules congelées d'un ancêtre, et celui d'un cheval de Przewalski, qui pourraient sauver leurs espèces respectives de l'extinction.
La naissance de ces animaux est, selon Revive and Restore, la preuve de l'efficacité de son travail génétique.
Si les manipulations génétiques peuvent susciter des inquiétudes, en raison du risque de malformation ou d'altération des plantes ou des animaux ayant des conséquences non prévisibles sur la nature, Henry Greely, professeur de droit spécialisé dans la science et la génétique à l'université californienne de Stanford, juge que la conservation des espèces en voie d'extinction, notamment des coraux, justifie l'utilisation d'une telle technologie.
"Je suis partisan de cette approche, si elle est menée avec soin, avec des règles adéquates et de la prudence", ajoute-t-il.
Gregory Kaebnick, de l'institut de recherche The Hastings Center, soutient aussi l'ingénierie génétique des organismes, notant que le risque qu'une création devienne incontrôlable est plus faible que celui consistant à ne pas apporter un changement durable et efficace.
"Je ne suis pas très emballé par l'idée de changer les coraux pour qu'ils survivent, mais c'est peut-être ce que nous devons faire", conclut-il.
AFP/VNA/CVN