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La Sud-Africaine Masalanabo Modjadji, âgée de 12 ans. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Du haut de ses 12 ans, Masalanabo Modjadji n’est pour l’heure que l’héritière d’une dynastie multicentenaire depuis la mort de sa mère en 2005, alors qu’elle n’avait que quelques mois.
La loi sud-africaine qui reconnaît son pouvoir sur la tribu des Balobedu, une ethnie du Nord de l’Afrique du Sud, lui impose d’avoir 18 ans pour s’asseoir sur son trône, dans les luxuriantes collines de la province du Limpopo.
Depuis 200 ans, ce royaume originaire du Zimbabwe place des femmes à sa tête, génération après génération. En attendant d’entamer son règne, Masalanabo réside entre Johannesburg et Pretoria et se rend tous les jours à l’école, où un chauffeur la dépose dans une discrète berline.
Cette jeune fille prise en charge par la famille d’Angie Motshegka, l’actuelle ministre sud-africaine de l’Éducation, n’a pas le droit de s’exprimer avant son couronnement. Pour recevoir l’AFP, elle a troqué son survêtement noir pour une robe traditionnelle et un bandeau de perles multicolores. Mais elle ne dira pas un mot.
Si la future reine Modjadji aime comme tous les jeunes passer du temps sur les réseaux sociaux, elle est déjà bien consciente du poids de la tradition qui repose sur ses épaules, explique le mari de la ministre, Mathole Motshegka, qui est aussi le tuteur de la reine et le conseiller juridique de la dynastie.
«Elle veut être vraiment bien préparée pour régner dans le monde moderne. Ses sujets seront des gens éduqués et elle veut l’être aussi, pour être en phase avec son temps», assure-t-il dans le jardin de leur propriété.
Modernité d’une famille royale
«Elle discute beaucoup avec mon épouse, de politique ou des traditions»
, poursuit-il.Le frère de Masalanabo, lui, étudie à l’université, dans le nord de la province du Limpopo. La famille royale est moderne. La mère défunte de la future reine parlait anglais, conduisait une voiture. Pendant les vacances scolaires, la jeune femme est envoyée dans son palais du Limpopo, à 400 kilomètres de là, pour y parfaire son initiation.
Masalanabo Modjadji sera formellement couronnée quand elle aura 18 ans, ayant monté sur le trône en tant que nourrisson lorsque la reine précédente, sa mère, est décédée en 2005. |
Le mois de septembre, coup d’envoi du printemps austral, est un moment particulier chez les Modjadjis. Pendant cinq week-ends, la famille royale organise cinq cérémonies dans autant de sanctuaires de la région pour réclamer le retour de la pluie après un hiver traditionnellement sec. Danses, chants, rituels avec des animaux et breuvages sacrés font partie des rites qui sont censés provoquer les précipitations. Le rôle exact de la reine ? Il est secret.
«On fait venir une vache qui doit boire une bière artisanale spécialement faite pour faire tomber la pluie», raconte John Malatji, le chef du conseil royal. Le reste de la bière est partagé entre les membres de la famille royale avant que la reine ne prononce quelques prières.
«Enfin, on passe la nuit à danser et chanter pour les divinités», conclut M. Malatji.
«Personne sacrée»
«C’est très important de venir ici chaque année. Les rituels permettent de remercier les ancêtres et de leur demander ce qu’on veut pour l’année suivante», poursuit Fathuwani Mulovedzi, une chercheuse dont la voix se perd dans le grondement assourdissant des chutes de Phiphidi, un autre sanctuaire.
En Afrique du Sud, les reines et rois traditionnels - le pays en compte un certain nombre - n’ont pas de rôle officiel, mais l’an dernier, au terme d’une longue bataille juridique, la reine des Balobedu a été officiellement reconnue par l’État. «Pour la première fois dans toute l’histoire du pays», se félicite Mathole Motshegka. Ce statut permettra à la famille royale de recevoir un financement public aux termes de la Constitution de 1996.
Mais même sans rôle officiel, l’influence de ces monarques est considérable. «La reine de la pluie est une personne sacrée», explique David Copland, anthropologue à l’Université du Wits, à Johannesburg. Les pouvoirs que lui prête sa communauté sont comparables à ceux du pape sur l’Église catholique, dit-il.
Le tuteur de Masalanabo ne dit pas le contraire. Pour lui, la reine est «la représentante sur Terre de la déesse de la pluie».
À l’issue de son couronnement, la reine se marie avec plusieurs femmes, une tradition rare en Afrique. «Elle se marie avec des femmes qui vont faire des enfants avec des proches de la reine. Ils deviendront ses enfants, c’est comme ça que la famille s’élargit», explique M. Motshegka.
L’Afrique du Sud est le seul pays du continent à autoriser le mariage homosexuel, depuis 2006. «Nous faisons ça depuis des siècles. Il n’y a rien de plus à dire, c’est notre mode de vie», se félicite John Malatji.
AFP/VNA/CVN