En Afghanistan, le nouveau faste des noces empêche les jeunes citadins de se marier

À 27 ans, Ahmad, fonctionnaire, gagne près de 10 fois le salaire moyen en Afghanistan. Mais cela n'est pas assez pour pouvoir épouser sa fiancée : en ville, les noces exigent désormais un faste croissant que peu d'Afghans peuvent s'offrir.

Déjà endetté à hauteur de plusieurs milliers de dollars après avoir organisé, comme il se doit, une somptueuse fête de fiançailles pour 500 invités en décembre, Ahmad Mahfooz ne sait pas quand il sera en mesure d'organiser un mariage conforme aux attentes de sa future épouse et de sa belle-famille. "Je dois de l'argent à quasiment tous les gens que je connais et je n'ai aucune idée de la façon dont je pourrai en gagner un jour assez pour me marier", explique-t-il.

Son cas est loin d'être isolé. Dans les grandes villes, encore tenues par le gouvernement et ses alliés occidentaux, un nombre croissant d'Afghans de la classe moyenne doivent faire face au coût exponentiel des mariages. Or le salaire annuel moyen dans le pays est d'à peine 540 dollars.

Bachir, un commerçant de 29 ans, a réussi à se marier il y a trois ans, après avoir emprunté 15.000 dollars, dont il n'a pour l'heure réussi à rembourser que la moitié. Mais "si je n'avais pas fait cela, j'aurais été déconsidéré aux yeux de mes parents", explique-t-il.

Depuis la chute du régime ultra-rigoriste des talibans, fin 2001, les noces en zone urbaine, autrefois simples réjouissances familiales, se sont transformées en festivités pompeuses pouvant réunir jusqu'à un millier de parents et amis dans des "Wedding Halls" tape-à-l'œil, d'imposants complexes spécialisés abritant sur plusieurs étages de grandes salles de banquet.

Être en mesure de faire ainsi étalage de richesse est devenu une question d'honneur pour le marié qui, non seulement s'acquitte traditionnellement seul de la facture, mais doit souvent en outre verser une dot à sa belle-famille.

Faute de pouvoir honorer ces dépenses exorbitantes, les jeunes Afghans sont de plus en plus contraints de différer leur mariage, au point que le gouvernement étudie la possibilité d'interdire les cérémonies trop ostentatoires.

Un projet de loi élaboré par le ministère de la Justice prévoit ainsi de restreindre à 300 le nombre maximum d'invités aux fêtes de mariage et de limiter les dépenses à 250 afghanis (environ cinq dollars) par personne. "Les noces sont devenues une sorte de compétition destinée à afficher sa richesse et son influence", estime Abdul Majid Ghanizade, directeur des Affaires civiles au ministère. "La plupart des jeunes ne peuvent se marier parce qu'ils ne peuvent se permettre de telles dépenses, et cela doit cesser". Selon le sociologue afghan Barayalai Fetrat, ces cérémonies extravagantes sont un phénomène totalement nouveau et essentiellement urbain en Afghanistan, pays resté extrêmement pauvre en dépit des dizaines de milliards de dollars d'aide étrangère déversés depuis bientôt dix ans. "Les mariages dispendieux n'ont pas de racine dans notre culture. Les milliards de dollars qui ont inondé l'Afghanistan ont rendu certains très riches, et ces gens-là ont imaginé de nouvelles façons d'afficher leur opulence", explique M. Fetrat, professeur à l'Université de Kaboul. Mais la perspective d'une loi ne fait pas que des heureux. Car le mariage est devenu un secteur d'activité florissant, notamment dans la capitale Kaboul. "Les Wedding Halls sont si pratiques. Les gens n'ont plus à recevoir des centaines de personnes chez eux", justifie Mohammed Salam Baraki, propriétaire du Uranus Wedding Hall, qui se compose de deux bâtiments de plusieurs étages. "Si la loi est votée, c'en est fini du business", s'inquiète-t-il.

AFP/VNA/CVN

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