Le professeur Dinh Xuân Ba, président du conseil d'administration de Secoin, une société actuellement de premier plan dans la recherche et la production de calambac et plus généralement d'huiles essentielles, déclare que le marché mondial a des besoins de plus en plus importants en huiles essentielles, spécialement dans les industries pharmaceutique et cosmétique.
Le prix à l'importation des huiles essentielles a augmenté régulièrement d'environ 18 % par an depuis 2002, et atteint 1,37 milliard de dollars. Le Vietnam a exporté des essences vers environ 30 des 167 pays importateurs, soit 1,16 % en volume et 0,6 % en chiffre d'affaires du marché mondial. Ses parts de marché sont faibles car les prix pratiqués sont trop bas.
Vu Hai Vân, directrice commerciale de la société par actions Tinh Dâu & Chât Thom, indique que le pays a actuellement près de 10 entreprises qui exportent des huiles essentielles, mais en quantité très limitée. "Chaque année, nous n'en exportons que pour environ 5 millions de dollars, principalement de l'essence de citronnelle, de cannelle, de basilic, de menthe…", révèle-t-elle.
La Chine et l'Inde en revanche sont les plus gros producteurs et exportateurs du monde, ce qui ne leur évite pas cependant de devoir également en importer...
De l'"or brut" disponible
Le Vietnam est l'un des endroits les plus favorables pour la culture d'espèces à essence. D'après le professeur Dinh Xuân Ba, les ressources en matières premières sont relativement abondantes : menthe, basilic, eucalyptus, menthe aquatique ou encens, cannelle, anis, citronnelle…
Ces espèces sont faciles à cultiver, ne nécessitent pas de soins particuliers, ne craignent pas les inondations ni la sécheresse, subissent peu de parasites, tout en ayant une valeur économique nettement supérieure à celle des céréales. Ainsi, les cajeputiers d'Australie et les eucalyptus citronnés se multiplient fortement dans plusieurs provinces du Centre, permettant de lutter contre l'érosion du sol, occupant les terres en friches des collines dénudées, pour donner finalement de 6 à 7 récoltes par an. Que des avantages donc... Mais si, ajoute M. Ba, le Vietnam compte jusqu'à 300 variétés d'arbres à essences, seules 50 sont cultivées et productives, sur une superficie modeste.
En effet, le pays n'a à ce jour que quelques centaines d'hectares de citronnelle, d'eucalyptus citronné ou de cajeputier, disséminées dans les provinces de Hoà Binh, Lang Son (Nord), Phu Yên, Hà Tinh (Centre)…
Technologies d'"extraction de l'or"
Découvrir une "mine d'or" est une chose, l'exploiter en est une autre. Le problème fondamental est d'obtenir des produits complètement naturels - biologiques - fondés sur et respectant les normes mondiales. Il s'agit d'un processus qui débute dès l'ensemencement, se poursuit lors de l'entretien puis la récolte et s'achève à la production d'huile essentielle.
Sans considération au regard des biologiques, il est très difficile de prendre part à ce marché mondial particulièrement intéressant puisque les cours, qui continuent d'augmenter, devraient même être multipliés par 2 ou 3 dans un proche avenir. Le problème, c'est qu'une majorité des entreprises vietnamiennes de ce secteur sont de petite taille. Or, pour respecter ces normes biologiques, il faudrait créer des zones de matières premières, investir dans de l'équipement, donner des directives aux agriculteurs, engager des consultants et autres entreprises de certification, le coût d'un certificat allant de 10.000 à 12.000 dollars..., explique le professeur Dinh Xuân Ba.
Le Vietnam a l'avantage de posséder plusieurs espèces endémiques comme cannelle ou anis, mais dans la mesure où elles n'ont pas encore de normes, leur valeur à l'exportation n'est que la moitié des besoins du marché mondial. Ceci vaut en particulier pour l'essence de cannelle dont l'extraction peut être optimisée avec la taille de ces branchages chaque année.
Selon le docteur Nguyên Van Nghi, directeur du Centre de soutien au développement des produits naturels, aussi chef de la Compagnie des huiles essentielles et des produits naturels (Institut des sciences et des technologies du Vietnam), le problème fondamental pour la production d'huiles essentielles est d'abord d'étudier les besoins mondiaux, et il semble que les essences vietnamiennes possèdent tous les critères exigés par le marché mondial. Ensuite, considérer que si les huiles essentielles vietnamiennes sont supérieures, les besoins sur le marché mondial ne sont pas très importants pour favoriser les recherches appliquées et le marketing. Enfin, recourir au progrès scientifique en ce domaine et aux dernières technologies en matière d'extraction des huiles.
Actuellement, plusieurs entreprises produisent un certain nombre de nouvelles variétés comme eucalyptus citronné, érythrine, acalyphe… dont les huiles ont un cours élevé sur le marché mondial. Mais il faudrait, selon Nguyên Van Nghi, évaluer soigneusement car, si un produit peut avoir une valeur scientifique ou utilitaire en lui-même, la question réside dans les besoins que l'on en a. D'ajouter que planter de l'acalyphe pour produire du gazole biologique est scientifiquement une bonne solution, économiquement, cela reste à vérifier car si le coût de production est par exemple de 32.000 dôngs le kilo d'huile, cela n'a aucun intérêt...
Le rhamnoneuron est aussi planté sur une très grande superficie au Vietnam. Le professeur Dinh Xuân Ba, qui effectue des recherches poussées sur le calambac, affirme que le pays a les variétés les plus précieuses, mais cette plante n'est qu'une matière première. Le rhamnoneuron génère une série de problèmes : contrôle de l'origine de l'espèce, techniques de culture, protocole de production, techniques de transformation après récolte…
Cependant, les experts affirment que cet "or vert" peut générer un chiffre d'affaires annuel à l'exportation de plusieurs centaines de millions de dollars, indépendamment de son rôle de base d'un développement de l'industrie cosmétique vietnamienne.
Dominique Maurice/CVN