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Olivier Laurent, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement, et Fouzi Benkhelifa, patron de Origins.earth, installent un détecteur de CO2 sur les toits de l'université Jussieu à Paris, le 20 octobre |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les grandes villes du monde et leurs habitants représentent environ 70% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Alors de Los Angeles à Sydney, de New York à Milan, nombre d'entre elles se sont engagées à faire leur part vers l'objectif de limiter à 2°C au maximum le réchauffement de la planète, comme prévu dans l'accord de Paris.
Mais actuellement faire un "bilan carbone", qui évalue les émissions des grandes familles de gaz à effet de serre (CO2, méthane..), avec une marge d'incertitude jusqu'à 30%, "nécessite de recourir à beaucoup d'informations (trafic routier, industries, bâtiments, énergie) et généralement cela crée un délai qui va de 2 à 3 ans", explique Thomas Lauvaux, chercheur au Laboratoire des sciences de l'environnement et du climat (LSCE), partenaire scientifique du projet porté par la start up Origins.earth.
Ainsi, le dernier "bilan carbone" de Paris, publié en 2016, portait sur les émissions de 2014. Mais "des bilans carbone tous les 5 ans, ce n'est plus satisfaisant, il faut de la donnée plus réactive", plaide Célia Blauel, adjointe chargée de la Transition écologique à la mairie de Paris, qui soutient l'initiative.
Le projet financé par le groupe Suez et des fonds européens, pourra compter à terme sur une vingtaine de capteurs perchés sur les toits pour mesurer concentrations et émissions de CO2 dans la région parisienne, faisant le tri entre les émissions naturelles et celles issues des activités humaines.
"Aucune collectivité aujourd'hui n'a la possibilité d'attester de son niveau d'émissions réelles", commente Fouzi Benkhelifa, patron de Origin.earth, décrivant un "grand écart entre l'urgence à agir contre le réchauffement et les outils de connaissance".
"Les villes doivent agir jour après jour mais ont une photo qui a 5 ans", poursuit-il.
"Personne ne peut mentir"
Grâce aux futures données en continu, Paris et sa région pourront connaître plus rapidement l'impact ou non de certaines politiques publiques. Les électeurs pourront aussi voir si les promesses de réduction des émissions de CO2 ont été respectées ou non.
Cette transparence n'est-elle pas un risque politique, si les résultats espérés ne sont pas là ? "Je ne suis pas très inquiète, ça ne pourra qu'alimenter la réflexion et nous rendre meilleurs dans la dynamique", assure Célia Blauel, alors que Paris vise la neutralité carbone d'ici 2050.
Les partenaires du projet soutenu par l'Organisation météo mondiale ne s'attendent pas à des surprises majeures pour la capitale française : les grands axes des politiques de réduction des émissions sont connus (rénovation des bâtiments, plans de déplacements, transition énergétique, déchets...). Mais cela permettra d'obtenir des cartes plus "raffinées", d'identifier plus précisément les "hotspots" d'émissions sur le territoire et d'adapter les politiques.
Les habitants pourront également voir l'effet de leurs propres comportements. En un an, grâce à un indice qui devrait être publié tous les mois en 2020, les gens "pourront prendre conscience du cycle naturel des émissions, de l'été et de l'hiver, avec leur propre impact par exemple quand ils mettent en route le chauffage", insiste Thomas Lauvaux.
Cet outil pédagogique doit permettre ainsi de mieux visualiser ces émissions invisibles néfastes pour le climat, à l'image de ce qu'ont fait les systèmes de surveillance de la qualité de l'air pour mettre en lumière les polluants nocifs pour la santé humaine, ozone ou particules fines.
D'autres villes comme Los Angeles, Indianopolis ou Mexico disposent sur leur territoire de projets scientifiques de mesures des gaz à effet de serre, mais l'avenir dira si elles sauteront le pas vers cette nouvelle "météo" du carbone. "Nos mesures sont absolues, personne ne peut mentir là dessus", souligne Thomas Lauvaux. Malgré la mobilisation citoyenne pour le climat, "on est dans un monde qui n'est pas prêt à la décarbonisation", constate le chercheur.