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L'ancienne présidente de droite Jeanine Añez, le 6 janvier 2020. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L'arrestation de Mme Añez samedi 13 mars et les poursuites engagées contre elle et contre cinq de ses anciens ministres pour "sédition" et "terrorisme" sont observées avec attention par les organisations internationales, qui multiplient les appels à la transparence et au respect des procédures légales. Trois procureurs ont signé l'acte publié dimanche 14 mars qui requiert la "détention préventive" de l'ancienne présidente "pour une période de six mois".
Mme Añez, 53 ans, avocate et sénatrice de droite, est devenue présidente par intérim en novembre 2019 après la démission du président socialiste Evo Morales. Elle est détenue depuis samedi 13 mars dans une caserne de la police à La Paz. Lors d'un bref contact avec la presse, elle a déclaré dimanche 14 mars qu'avec les mesures prises contre elle et contre ses anciens collaborateurs, "on fait reculer notre État de droit".
Arrestation spectaculaire
Son arrestation est intervenue samedi 13 mars dans des conditions spectaculaires : elle a été appréhendée à Trinidad, à 600 kilomètres au nord-est de La Paz, alors qu'elle se cachait dans une malle dans la maison d'un proche.
Avant Mme Añez, ses anciens ministres de l'Énergie et de la Justice, Rodrigo Guzman et Alvaro Coimbra, ont eux aussi été arrêtés à Trinidad avant d'être transférés à La Paz. A son arrivée samedi à l'aéroport d'El Alto à La Paz, en présence du ministre de l'Intérieur et de policiers, Mme Añez a qualifié devant la presse son arrestation d'"illégale". Le gouvernement "m'accuse d'avoir participé à un coup d'État qui n'a jamais eu lieu", a-t-elle aussi écrit sur Twitter.
L'enquête du parquet fait suite à une plainte déposée en décembre par Lidia Patty, ancienne députée du Mouvement vers le socialisme (MAS), le parti d'Evo Morales et de l'actuel président bolivien Luis Arce. Lidia Patty accuse Mme Añez et d'anciens ministres, responsables militaires et policiers d'avoir renversé M. Morales en novembre 2019.
Cinq anciens ministres accusés
Le mandat d'arrêt concerne trois autres anciens ministres, en plus des deux qui ont déjà été appréhendés : Yerko Nuñez (Présidence), Arturo Murillo (Intérieur) et Luis Fernando López (Défense). Les deux derniers ont quitté la Bolivie en novembre. Il vise également les anciens commandants militaires William Kaliman et Sergio Orellana et l'ex-chef de la police Yuri Calderon.
Evo Morales, président de 2006 à 2019, a qualifié de "dictature" le pouvoir intérimaire de Mme Añez, sous lequel il a lui-même été visé par une enquête pour "sédition" et "terrorisme". Il a réclamé que les responsables du "coup d'État" de novembre 2019 soient "sanctionnés". L'opposition de droite et du centre nie pour sa part qu'il y ait eu un coup d'État.
À l'issue de l'élection présidentielle d'octobre 2019, au cours de laquelle Evo Morales briguait un quatrième mandat, et de la confusion qui avait entouré les résultats le donnant vainqueur, l'opposition avait crié à la fraude. Des troubles et des violences avaient suivi le scrutin.
Sur fond de manifestations au cours desquelles au moins 35 personnes avaient été tuées, la police et l'armée avaient retiré leur soutien à M. Morales. Ce dernier avait démissionné avant de s'exiler au Mexique puis en Argentine.
"Coup d'État"
Jeanine Añez avait prêté serment le 12 novembre 2019. Le MAS avait aussitôt dénoncé un "coup d'État". M. Morales est revenu en Bolivie après la victoire de son dauphin Luis Arce à l'élection présidentielle d'octobre 2020. L'influente conférence épiscopale de Bolivie a réclamé samedi 13 mars "la mise en liberté immédiate des personnes arrêtées".
L'ancien président bolivien Carlos Mesa (2003-2005) a lancé dimanche 14 mars un appel aux organisations internationales en les alertant sur la situation en Bolivie. Dans une lettre, il accuse le pouvoir du président Arce de vouloir "inspirer la terreur en manipulant la police, le parquet et la justice pour éliminer l'opposition et museler une grande partie de la société bolivienne".
La lettre de M. Mesa est adressée à l'ONU, au Haut commissariat des Nations unies pour les droits de l'homme, à l'Organisation des États américains (OEA), à la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) et à l'Union européenne. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé samedi 13 mars au respect "de procédures équitables et d'une transparence totale".
Pour le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, "les accusations pour les événements de 2019 doivent être résolues dans le cadre d'une justice transparente et sans pression politique, dans le respect de l'indépendance des pouvoirs". Et la CIDH "exhorte l'État bolivien à respecter les normes interaméricaines en matière de garanties, d'indépendance et de protection judiciaires".
AFP/VNA/CVN