Aux Pays-Bas, les derniers sabotiers défendent leur art

Ils étaient des milliers il y a encore quelques décennies mais ne sont plus aujourd'hui qu'une trentaine, en majorité grisonnants : les derniers sabotiers des Pays-Bas se battent pour défendre leur travail ancestral, autrefois aux pieds de tous les Néerlandais.

Harrie van Aarle dans son atelier à Aarle-Rixtel, dans le Sud des Pays-Bas.
Photo : AFP/VNA/CVN

Maniant avec expertise une longue cuillère de métal, Nicole van Aarle évide un sabot grossier alors que les copeaux de bois tombent à ses pieds dans un rythme régulier. Au mur de son atelier d'Aarle-Rixtel, dans le Sud des Pays-Bas, des sabots de toutes formes et de toutes tailles, décorés de manière traditionnelle.

«Je travaille dès que je peux : après avoir déposé les enfants à l'école, le soir, le week-end... mais je ne peux pas gagner ma vie juste avec les sabots», regrette cette ancienne militaire, fière d'appartenir à la cinquième génération d'une longue lignée de sabotiers. À 40 ans, elle représente l'avenir d'une profession où la moyenne d'âge est plutôt «grisonnante», sourit-elle.

Il resterait dans le pays une trentaine de sabotiers, dont 15 qui font du travail de qualité, assure Jack van der Voort, le président d'une association de défense des sabots.

Le Centre néerlandais du patrimoine immatériel juge la situation «très inquiétante» : «Il est plus que temps de préserver cet artisanat et de s'assurer qu'il se transmette aux générations futures, sinon nous perdrons le savoir-faire pour cette icône des Pays-Bas», estime Pieter van Rooij.

Organiser des événements

Bien que le sabot soit encore fabriqué dans de nombreux pays, notamment en France et en Grande-Bretagne, il est devenu pour beaucoup synonyme des Pays-Bas, au même titre que les tulipes ou les moulins à vent.

«C'est comme les frites de Belgique ou la saucisse d'Allemagne, nous devons les préserver», assure Nicole van Aarle : «évidemment, les frites, tout le monde veut en manger, donc ça va, mais les sabots, c'est difficile de marcher avec... C'est plus compliqué».

Une paire de sabot exposée à Mini-Europe à Bruxelles.
Photo : Hoàng Phuong/CVN

Réalisé en un seul morceau de bois, le sabot est «chaud, sec et surtout pas cher», assure Jack van der Voort. «Et on peut adapter la forme de la chaussure à son métier, au sol sur lequel on travaille, à sa région».

Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, cette chaussure reste populaire mais après la fin du conflit, les Néerlandais abandonnent le bois pour se tourner vers le caoutchouc ou le cuir.

Jack et Nicole organisent, avec leur association et d'autres passionnés, des marchés, des démonstrations, des festivals, une formation spécialisée et même un championnat national. «L'intérêt est là, les gens sont de nouveau attirés par leurs traditions», dit Jack van der Voort.

Et de nouveaux usages sont inventés, relève Nicole : «Des jeunes qui vont à des festivals de musique mettent aussi parfois des sabots : ça protège de la boue, c'est facile à enlever devant la tente et personne ne peut vous marcher sur les pieds dans les concerts...»

Quelque 300.000 sabots fabriqués par an

Pour elle et son père, les sabots sont à la fois un élément essentiel de l'identité néerlandaise et de l'identité familiale.

«J'ai grandi en observant mon père fabriquer des sabots et j'ai voulu apprendre, vers 18 ou 19 ans», confie Nicole.

Mais son père Harrie, âgé de 66 ans, a d'abord refusé de lui enseigner ce savoir-faire, n'y voyant aucun intérêt puisqu'il jugeait ce métier sans avenir.

Il a finalement cédé devant son insistance. Depuis, cet ancien sabotier professionnel vient tous les jours dans l'atelier de sa fille, qui tente à sa manière de moderniser un artisanat toujours considéré comme dépassé par la majorité des Néerlandais.

«On essaie d'être créatif sur les peintures, en rajoutant des talons, des gravures, en créant des sabots pour les naissances, les anniversaires... Il y a tellement de choses à faire», dit Nicole.

À la machine ou à la main, 300.000 sabots sont fabriqués chaque année dans le pays. Plus d'un tiers d'entre eux, acquis par des touristes de passage, partent décorer des maisons et des jardins à travers le monde.

Nicole espère qu'un jour ses deux enfants reprendront le flambeau familial. «Ça me rendrait très fière évidemment», indique-t-elle. «Mais c'est un métier difficile. Je ne leur forcerai jamais la main».


AFP/VNA/CVN

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