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Un élevage de dindes, le 12 octobre à Oxspring, près de Sheffield, au Royaume-Uni. |
"Je ne suis pas sûr d'obtenir le personnel suffisant pour pouvoir faire le travail requis avant Noël. La pression sera forte", explique le fermier du Surrey (Sud) à l’AFP.
Patrick devrait déjà pouvoir compter sur la présence de 12 travailleurs saisonniers pour la mi-décembre, pour l'aider à emballer, préparer et livrer ses volailles avant Noël.
Depuis plus de 15 ans, il recrute des ouvriers venus d’Europe. Il n'a pas réussi à en engager un seul cette année.
Dans sa grange en bois foncé de 30 mètres de long, 600 dindes blanches l'entourent quand il vient les nourrir.
"Le Brexit est, selon moi, un facteur important, dans la mesure où une des conséquences est une perte massive de main-d'œuvre" explique-t-il.
Le Brexit, entré en vigueur le 1er janvier, complique désormais l'entrée au Royaume-Uni de travailleurs originaires de l'Union européenne qui doivent obtenir un visa.
Face à la pénurie de main-d'oeuvre qui affecte le secteur de la volaille, certains éleveurs ont multiplié les petites annonces pour recruter. Mais les candidatures se font extrêmement rares.
"Ce n'est pas le travail le plus glamour du monde. C'est un travail difficile, c'est l'agriculture, il faut travailler sept jours par semaine" explique Mark Gorton qui élève des dindes à Norfolk dans l'est de l'Angleterre, et ne compte à ce jour aucun saisonnier, alors qu'il en embauche environ 300 à 400 chaque année.
"Nous sommes à six semaines du début de la préparation des dindes pour le marché de Noël et, pour le moment, nous n'avons pas de main-d'œuvre", ajoute-t-il visiblement inquiet.
"Mal aimés"
En raison de la pénurie de main-d'œuvre, certains fermiers ont été contraints de produire moins de dindes cette année et les supermarchés ont revu leurs carnets de commandes à la baisse.
"Le nombre de dindes a été considérablement réduit (...) c'est un problème à travers tout le pays, peu importe si vous avez dix dindes ou 20.000 dindes, le problème est fondamentalement le même, il y a une énorme pénurie de main-d'oeuvre qualifiée", précise Patrick.
Face à cette situation, les amateurs de dindes commandent plus tôt. Sur les 40 fermes regroupées dans l'"association des dindes fraîches de ferme traditionnelle", une majorité a fait état d'une augmentation significative des commandes par rapport à l'an dernier à la même date. Certaines exploitations ont même déclaré avoir reçu cinq fois plus de commandes.
D'où le risque de voir grimper les prix de la dinde. "Je pense que les gens vont malheureusement constater une augmentation du coût des produits", prévoit Patrick.
L'élevage de volailles étant un secteur clé de l'économie britannique, le gouvernement a décidé d'accorder 5.500 visas de travail valables jusqu'au 31 décembre, pour faire venir les saisonniers. Mais les fermiers craignent que cette initiative ne change pas la donne.
"Est-ce que je quitterais ma maison, mon pays, mon travail, ma sécurité, juste pour venir aider un pays qui m'a dit qu'il ne voulait plus de moi? Je ne le ferais pas" commente Patrick pour qui les travailleurs étrangers se sentent désormais "mal-aimés".
À l’approche de Noël, les éleveurs semblent résignés : "Je vais devoir persuader les gens qui travaillent pour moi que nous allons devoir travailler 18-19 heures par jour, au lieu de 16", explique aussi Patrick.
Le secteur de la volaille est un des plus touchés par le manque de main d'oeuvre. Mais c'est loin d'être le seul. À l'approche de la saison des fêtes, les producteurs de sapins, les éleveurs de porcs, ainsi que les magasins de jouets redoutent aussi de ne pas pouvoir répondre à la demande en raison du manque de personnel et de chauffeurs routiers.
AFP/VNA/CVN