Sur la douzaine de fabricants en Allemagne, certains n'ont pas résisté à la crise : Schimmel et Leipziger Pianoforte ont déposé le bilan cette année et Seiler a périclité en 2008.
D'autres comme Bechstein, Blüthner, Grotrian-Steinweg, Steinway figurent parmi les 10 plus grands noms du secteur mondial avec l'Italien Fazioli et Bösendorfer en Autriche, selon la Fédération allemande des fabricants de pianos.
La spécificité de la qualité européenne, qui combine artisanat et haute technologie, "réside dans le fait que l'Europe a la plus longue expérience" en la matière, explique Burkhard Stein, patron de la fédération.
En Allemagne, où les fabricants exportent au moins 60% de leurs instruments, environ 12.000 pianos ont été confectionnés en 2008.
Mais ces derniers mois, les exportations se sont contractées alors que les ventes de pianos sont restées stables sur le marché intérieur. "Au premier semestre 2009, la vente d'instruments a diminué d'un tiers comparé à la même période un an plus tôt", selon M. Stein.
Sa société Grotrian-Steinweg a réussi à limiter à 15% la baisse de ses ventes cette année notamment "en s'orientant vers de nouveaux marchés, dont la Chine".
Un pays qui fabrique 280.000 des quelque 450.000 nouveaux pianos par an dans le monde et qui "domine le segment du piano à bas coût", affirme-t-il. "C'est aussi le plus grand débouché au monde" et les fabricants chinois y vendent près de 80% de leur production.
Les fabricants allemands sont convaincus que les instruments "made in Europe" peuvent les sauver de la morosité du marché et voient leurs potentiels d'expansion surtout en Asie. Ils suivent 2 stratégies distinctes : "celle qui consiste à jouer sur plusieurs marques et différents niveaux de qualité", comme le font Bechstein et Steinway, "et l'autre qui se concentre sur une marque phare", selon M. Stein.
Installée à Hambourg (Nord) avec 380 employés, la prestigieuse maison Steinway en Allemagne, forte de 130 ans de tradition, reconnaît avoir eu recours "provisoirement au chômage partiel" en raison d'un "léger recul de la demande".
Chez Bechstein, entreprise fondée en 1853 et qui emploie environ 330 personnes, "les exportations ont reculé de 20% cette année", affirme le patron Karl Schulze, 60 ans.
Dans son vaste showroom berlinois, des instruments lustrés confectionnés avec des matériaux nobles trônent sur fond de musique classique. Pas une poussière dans cet espace lumineux où plusieurs modèles d'exception affichent déjà "vendu".
Chaque année, l'entreprise vend quelque 5.000 instruments, de 4.000 euros pour des pianos droits, à 110.000 euros pour des pianos à queue de concert prisés par les plus grands opéras et même par certains cheiks mélomanes.
C'est dans l'atelier Seifhennersdorf en Saxe (Est) que sont fabriquées les marques C. Bechstein (luxe), Bechstein Academy (haut de gamme) et Zimmermann (moyen de gamme). "Avec des pianos discount, on ne peut pas gagner d'argent en Chine", explique M. Schulze qui mise sur la hausse de la "demande véritable des couches moyennes chinoises" et l'atout de la qualité européenne : "c'est en Europe que la culture du piano est née".
Sa stratégie envers l'Empire du Milieu : "initier à Bechstein via la marque W. Hoffmann", commercialisé à partir de 4.000 euros et fabriquée intégralement dans les ateliers de la filiale C. Bechstein Europe, à Hradec Kralové, en République tchèque. Pour 2010, il table sur une croissance de 10% de la production. À Shanghaï, Bechstein compte un bureau et une dizaine de distributeurs tandis que son rival en Allemagne, Steinway dispose de sa propre société de distribution.
AFP/VNA/CVN