France
À Strasbourg, des chercheurs en quête des plastiques de demain

De pansements "intelligents" à base de carapaces de crevettes à des matériaux d'isolation issus de micro-algues, des chercheurs planchent sur les bioplastiques de demain dans des laboratoires de Strasbourg, la "Mecque des polymères" aujourd'hui en pointe sur ces matériaux qui ont le vent en poupe.

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Le Pr Luc Avérous dans son laboratoire de bioplastiques à Strasbourg le 27 février.

"Pendant très longtemps, on a été pris pour des écologistes retardés, jusqu'à ce que ce champ de recherche explose et maintenant tout le monde trouve cela normal. Mais on a été très seuls pendant longtemps à travailler là-dessus", s'amuse le Professeur Luc Avérous, coordinateur des recherches sur les bioplastiques au sein de l'Institut de chimie et procédés pour l'énergie, l'environnement et la santé de Strasbourg.

Les yeux du chercheur brillent quand il évoque la quête des bioplastiques du futur, s'emparant au fil de la conversation de barquettes de fast-food ou autres petits objets omniprésents dans son bureau, dont les matériaux ressemblent à s'y méprendre à des plastiques classiques. Mais tous sont issus de la biomasse.

Lignine du bois, tanins, acides gras de micro-algues : le vivant regorge de produits ou sous-produits pleins de promesses pour ses équipes.

Marché naissant

Après la Seconde Guerre mondiale, Strasbourg s'est affirmée, à travers l'Institut Charles Sadron, comme la "Mecque" de la recherche mondiale sur les polymères, ces grosses molécules constituées de la répétition d'un même motif.

Du polyéthylène au polystyrène, les polymères issus du pétrole, dont l'industrie était alors en plein essor, sont vite devenus omniprésents, mais 70 ans plus tard, les industriels comme les consommateurs sont demandeurs de matériaux plus verts.

Le Pr Luc Avérous dans son laboratoire de bioplastiques à Strasbourg le 27 février.

"Il y a pour des matériaux totalement - ou presque totalement - biosourcés un marché qui est en train de naître et qui se développe énormément", estime M. Perrin. Mais attention, "si le taux de substitution est bas, c'est plus considéré comme du +green washing+ que comme de la révolution environnementale", tempère-t-il.

La production des bioplastiques, c'est à dire des plastiques biosourcés, biodégradables ou les deux, ne représente aujourd'hui qu'environ 1% des quelque 360 millions de tonnes de plastiques produites chaque année dans le monde, selon la fédération European Bioplastics.

Propriétés inédites

Pourtant, "on est capable de faire en biosourcé tous les principaux polymères de grande consommation", explique Luc Avérous, dont les équipes travaillent aussi avec Peugeot-Citroën, Tereos ou encore Veolia.

Alors que du biomédical à l'industrie automobile, les débouchés sont multiples, les chercheurs ne se contentent pas de reproduire des matériaux existants à partir de la biomasse mais créent aussi de nouveaux matériaux, aux propriétés parfois inédites, justifiant des prix éventuellement supérieurs aux plastiques tirés du pétrole.

En 2019, une équipe a réussi à créer un vitrimère biosourcé, soit un matériau qui marie les avantage des deux grandes familles de plastiques, les thermoplastiques, qui sont recyclables, et les thermodurcissables, plus résistants mais qui une fois devenus solides, ne peuvent pas redevenir liquides.

Des chercheurs travaillent aussi sur des pansements dérivés de carapaces de crevettes, qui contiennent de la chitine, une substance qui, une fois transformée, devient souple et bactéricide.

"Les plastiques de demain seront biosourcés mais ils seront aussi issus du recyclage du plastique existant : il va falloir trouver des polymères qu'on ne jette plus, plus à usage unique, qu'on puisse réutiliser en ayant les mêmes propriétés", insiste le directeur de l'Institut Charles Sadron, Christian Gauthier.


AFP/VNA/CVN

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