>>Préserver les métiers traditionnels des minorités ethniques
>>Les minorités de Son La préservent leur identité culturelle
L’"áo dài" est un costume traditionnel portant l’identité culturelle vietnamienne. |
Photo : VNA/CVN |
Il est évident que l’identité culturelle vietnamienne a souffert des 80 ans de domination française. Certains individus issus des couches supérieures se piquaient de parler couramment le français, dédaignant leur langue maternelle considérée comme propre à l’expression des nhà quê (campagnards).
Dans une de ses comédies moliéresques des années 1930, "Le Français Annamite" (Ông Tây An Nam), Nam Xuong, décoche des flèches cinglantes à un Vietnamien "retour de France" qui feignait d’ignorer le vietnamien au point de louer les services d’un interprète pour parler à ses compatriotes. Le snobisme pro-français rongeait la culture traditionnelle.
Rôle important de la langue
Point n’est étonnant qu’au lendemain de la Révolution de 1945 qui rendit l’indépendance au pays, il a fallu mettre l’accent sur l’identité culturelle pour redonner confiance au peuple face à l’invasion étrangère.
Le vietnamien allait être employé dans l’enseignement à tous les degrés, y compris l’enseignement supérieur : la langue est une composante importante de l’identité culturelle. Herder affirme : "Que peut avoir une nation de plus précieux que la langue de ses pères ?"
Depuis plus d’une décennie, entraîné dans le maelström de la mondialisation, le Vietnam cherche à redéfinir son identité culturelle après l’avoir défendue par une guerre de 30 ans. Il s’agit pour lui de préserver et d’enrichir sa culture nationale tout en l’ouvrant à la culture mondiale.
La même tradition peut revêtir des formes différentes. |
Photo : VNA/CVN |
Le problème majeur, c’est de pouvoir trouver les caractéristiques de l’identité culturelle vietnamienne. Nos théoriciens, nos chercheurs, nos artistes, nos écrivains ont écrit des tonnes de papier sur ce sujet très controversé sans arriver à se mettre d’accord.
Parfois les discussions aboutissent à une impasse à cause d’une conception plutôt statique de l’identité culturelle. Je connais des peintres qui, consciemment ou inconsciemment, préconisent le passéisme. À force d’accumuler dragons, lotus et phénix, ils croient créer des œuvres respirant l’esprit national, lesquelles sentent plutôt l’artifice.
En réalité, l’identité culturelle n’est pas une entité permanente. "All tradition is change", j’aime bien ce titre d’un ouvrage suédois sur l’artisanat traditionnel. Toute culture close est condamnée à dépérir et périr. L’identité culturelle évolue avec le temps et l’espace, sans cesse sujette à l’acculturation. Ainsi, un trait national très ancien peut disparaître tandis qu’un autre peut naître à une époque récente. Une nouvelle tradition peut provenir d’un apport étranger refaçonné par le moule national. La même tradition peut revêtir des formes différentes selon les périodes. Je me permets de citer quelques exemples dans cet ordre d’idée.
Âme vietnamienne à la peinture
Le public étranger s’accorde à trouver dans la laque vietnamienne moderne un cachet authentiquement vietnamien qui la diffère de la laque chinoise et de la laque japonaise. Eh bien ! La laque vietnamienne moderne est un mariage heureux de notre laque nationale qui remonte à l’Âge du bronze et de la technique picturale de l’Occident.
Autre exemple avec le cas de Pham Tang, peintre vietnamien bien connu en Europe, surtout en Italie. Il a su insuffler l’âme vietnamienne à la peinture abstraite de l’Occident.
Le fameux áo dài (robe logue) qui met en valeur la fine silhouette de la femme vietnamienne a été créé vers les années 1930, sur la base de l’ancienne tunique à sept pans.
Plus d’un dictionnaire occidental mentionne comme plats essentiellement vietnamien le nem et le pho. Ces mets nés au Vietnam au début du siècle ne sont pourtant que des mutations ingénieuses de plats étrangers à l’origine insignifiants.
(Mars 1999)VN