>>La famille tient bon face aux épreuves
>>Honorer les valeurs de la famille traditionnelle
Les Vietnamiens sont convaincus qu’un nom peut influencer le cours d’une vie. |
Dat Bich/CVN |
Décidément, c’est aujourd’hui jour faste. Je me suis vu confier d’emblée deux tâches importantes, moi qui passe dans la famille pour un "bon à rien" en tant qu’époux, père et futur grand-père.
Primo, je dois garder la maison pendant que ma femme et mon fils feront le pied de grue à la maternité du quartier pour attendre la venue au monde de mon premier petit-enfant. C’est chose aisée que de garder la maison, il suffit que je ferme soigneusement les portes.
Secundo, je dois chercher un nom pour le bébé qui va naître. L’affaire est plus compliquée. Dans la famille vietnamienne, la tradition réserve cet honneur au père et, plus encore, au grand-père paternel.
En Occident, il n’y a qu’à consulter la liste des Saints. Chez nous, chaque foyer a ses principes transmis de génération en génération.
À la campagne, on donnait à l’enfant un nom aussi laid que possible de peur qu’un nom qui sonne trop beau n’attire les fantômes et les mauvais esprits ravisseurs d’enfants. Cette pratique s’expliquait sans doute par le manque d’hygiène et de soins médicaux qui causaient une forte mortalité infantile. Ainsi, on appelait le garçon thang cu (le pénis), la fille cái him (le vagin)...
Le nom, c’est l’homme
Auparavant, le nom définitif n’était donné qu’au moment où l’enfant allait à l’école, quand il atteignait l’âge adulte ou se mariait.
Aujourd’hui, en raison de l’acte de naissance obligatoire, les noms sont donnés dès que l’enfant voit le jour. Le choix est libre : les arbres (Tùng : Pin, Trúc : Bambou ivoire…), les fleurs (Cúc : Chrysanthème, Lan : Orchidée…), les fruits (Lê : Poire, Luu : Grenade…), les animaux (Hô : Tigre, Lôc : Cerf…), les éléments de la nature (Thuy : Eau, Vân : Nuage…), les saisons (Xuân : Printemps, Thu : Automne…), les veux (Phúc : Bonheur, Lôc : Profit, Tho : Longévité…), les qualités et vertus (Dung : Courage, Thiên : Bien, Truc : Droiture…), les noms géographiques (Hà : de Hanoï, Hai : de Hai Phong…), etc.
Avec ces mille et une possibilités de choix, vous imaginez facilement mon embarras d’en piquer un ou plutôt deux pour mon petit-enfant. Il faut prévoir l’alternative d’un petit-fils ou d’une petite-fille…
En tout cas, ce choix dans lequel on met toujours un peu de soi-même (goût, préférences, aspirations…) trahit toujours le caractère et la personnalité du donneur. On pourrait dire au Vietnam : "Dis-moi comment tu t’appelles, je te dirai qui est celui qui t’a donné ton nom !".
(Mai 1992)