"Il y a des fragments de revêtements en marbre et en grès, des éléments de fontaines, des rebords de fenêtres, des colonnes, des dalles, des boulets de canon, et j'en passe", déclare Hubert Kowalski, chercheur de l'Institut archéologique de l'université de Varsovie.
En plein cœur de la capitale polonaise, vêtus de waders oranges ou verts, les archéologues pataugent dans les eaux du plus grand fleuve du pays, profondes d'à peine 40 cm. Equipés de détecteurs en tout genre, sonars et profileurs de sédiments, à bord d'un bateau pneumatique, ils tentent d'identifier les objets intéressants.
Des archéologues extraient des objets de la Vistule, le 3 septembre à Varsovie. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les larges allaises et bancs de sable sortis de l'eau forment aujourd'hui un paysage désertique et désolant au milieu du fleuve, mais les archéologues y sont au paradis. Même des bulldozers peuvent les suivre dans des endroits jamais accessibles en temps normal.
À l'aide de pompes à eau fournies par les pompiers, ils enlèvent des couches de sable et des cailloux pour sortir leurs trouvailles de l'eau. En utilisant des grues s'ils s'avèrent pesants.
"Ce sont surtout des fragments de pierres sculptées que les Suédois ont tenté de voler au XVIIe siècle, lors de leur invasion en 1656. À cause du niveau bas de la Vistule ils n'ont pas réussi" à les exporter vers leur pays, précise M. Kowalski.
Mais du fond du fleuve ont surgi aussi des éléments d'anciens ponts historiques de la capitale, de bateaux ou d'objets en céramique datés même de la période de 700 à 400 avant J-C.
Obélisques
Des obélisques, des bases de colonnes et de tympans proviennent probablement du palais Casimir qui fait partie aujourd'hui du site de l'Université de Varsovie.
La Vistule, qui traverse la Pologne du sud au nord sur plus de 1.000 km avant de se jeter dans la Baltique, "compte parmi les cours d'eaux les plus capricieux d'Europe", souligne la ministre de la Culture Malgorzata Omilanowska, qui a rendu visite aux archéologues jeudi 3 septembre.
"Son fond est fait d'une couche de sable profonde de 8 à 9 mètres et elle en joue avec comme elle veut. Elle peut l'entasser pour en faire une véritable montagne puis creuser au même endroit un grand trou l'année suivante", explique-t-elle.
Ses berges vertes et sauvages font en temps normal le bonheur des oiseaux et des Varsoviens férus de balades à pied ou à vélo, ainsi que des amateurs de feux de camp, qu'on compte par dizaines en été, au pied du grand stade national.
Le niveau de la Vistule est relevé systématiquement depuis 1789. Son niveau moyen dans la capitale est de 2,37 m. Sa crue record remonte à 1960, à 7,87 m.
La baisse du niveau de la Vistule et de ses affluents, qui frappe lourdement la production agricole, n'a toutefois pas provoqué de perturbations dans l'approvisionnement de la capitale en eau potable, celle-ci provenant de sources souterraines.
Ailleurs, des "trésors" plus récents pointent leur nez. Presque à sec, la rivière Bzura a ainsi révélé l'épave d'un avion militaire soviétique tombé à la fin de la Deuxième guerre mondiale.
Et la baisse du niveau de la rivière San, dans le sud-est de la Pologne, a fait découvrir un petit bateau patrouilleur, probablement autrichien, datant de la Première guerre mondiale. Avec trois fusils vieux de plus d'un siècle et leurs munitions.