Le Parlement européen à Strasbourg. |
Le Parlement européen à Strasbourg. Photo: AFP/VNA/CVN |
C'est la dernière chance pour cette directive controversée d'être adoptée en plénière à Strasbourg avant les élections européennes prévues du 23 au 26 mai prochain. Présentée par la Commission européenne en septembre 2016, cette réforme aux enjeux financiers conséquents a fait l'objet d'un lobbying sans précédent de la part de ses partisans comme de ses opposants, mobilisés jusqu'au dernier jour. "Le résultat (du vote) est difficile à prévoir", a estimé une source parlementaire à Strasbourg, favorable à la réforme.
Le texte entend adapter à l'ère du numérique la législation européenne du droit d'auteur, datant de 2001, une époque où YouTube, détenu par Google, n'existait pas. Son "objectif est de permettre à la presse et aux artistes de percevoir une partie des revenus générés par la diffusion de leurs productions et œuvres sur internet", expliquent plus de 170 personnalités, dont le DJ David Guetta et l'actrice-chanteuse Louane, dans une tribune dimanche dans l'hebdomadaire français JDD.
Ces partisans de la réforme insistent pour que les "géants américains devenus des ogres", tels Google et Facebook, qui profitent des retombées publicitaires générées par les oeuvres qu'ils hébergent, rétribuent plus justement les musiciens, cinéastes, photographes, éditeurs, journalistes. Ils ont reçu à la veille du vote un tweet de soutien de la présidence de la République française selon lequel "sans droit d’auteur, il n’y a pas d’Europe de l’innovation et de la culture".
Dans l'autre camp, les géants de la Silicon Valley, mais aussi les partisans d'un internet libre, qui craignent de voir restreint ce canal de diffusion. Samedi 23 mars, des manifestations ont eu lieu un peu partout dans l'UE, à l'appel de "Save the internet", un collectif que Google affirme "ne pas financer" et qui est mobilisé depuis des mois pour la défense de "l'échange libre d'opinions sur internet". En Allemagne, cœur du mouvement de contestation, dont l'égérie est une eurodéputée allemande de 32 ans, Julia Reda, seule représentante du parti pirate au parlement européen, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans plusieurs villes du pays. Dans le collimateur des opposants à la réforme, deux articles. Le "13" qui a pour objectif de renforcer la position de négociation des créateurs et ayants droit (compositeurs, artistes...) face aux plateformes comme YouTube ou Tumblr, qui utilisent leurs contenus.
Filtres inopérants?
Il tient désormais les plateformes juridiquement responsables des contenus, les forçant à s'assurer qu'ils respectent bien le droit d'auteur. Or, pour trier les contenus, le plus simple est d'utiliser des filtres de téléchargement automatiques, des algorithmes mais ceux-ci sont accusés par les partisans de la liberté sur internet d'ouvrir la porte à une forme de censure.
"De nombreux exemples montrent que ces filtres ne parviennent pas à faire la différence entre du contenu qui enfreint les droits d'auteur et du contenu qui les respecte (par exemple les caricatures et les parodies, qui ne tombent pas sous le coup de l'article 13)", affirme ainsi l'Organisation européenne de défense des consommateurs (BEUC). Autre article, particulièrement contesté, le 11 qui préconise la création d'un "droit voisin" du droit d'auteur pour les éditeurs de presse. Il doit permettre aux médias, comme l'AFP, de se faire mieux rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production par des agrégateurs d'informations, comme Google News, ou des réseaux sociaux, comme Facebook.
La réforme a connu depuis 2016 de nombreux rebondissements. Le Parlement européen l'a rejetée une première fois en juillet 2018, puis l'a acceptée, avec des amendements, en septembre 2018. Le texte a ensuite été retravaillé entre les représentants des 28 États membres de l'Union et du Parlement européen qui sont finalement parvenus à un compromis en février 2019. C'est ce texte qui est soumis aux voix mardi 26 mars.
AFP/VNA/CVN