>>Brésil : manifestations violentes en marge de la grève générale
>>Brésil : 83 demandes d'enquête contre des politiciens liés au scandale Petrobras
Un Brésilien de la tribu Munduruku lors d'une manifestation devant le siège de la FUNAI à Brasilia, le 11 juin 2013. |
Antonio Fernandes Toninho Costa, président depuis janvier de la Fondation nationale de l'indien (Funai), placée sous la tutelle du ministère de la Justice, a été démis de ses fonctions. L’exécutif met en cause son manque "d'efficacité", une version contestée par l'intéressé et plusieurs ONG du secteur.
Le gouvernement du président conservateur Michel Temer est sous pression depuis l'attaque menée dimanche dernier 30 avril par quelque 200 hommes munis de machettes et d'armes à feu, liés à des fermiers locaux, qui a fait treize blessés parmi les Gamela occupant des terres dans l'État de Maranhao (Nord-Est).
Jeudi 4 mai, l'ONU a exprimé son "inquiétude" et "exigé" que les autorités "fassent preuve d'une tolérance zéro face (...) à la gravité des violences contre les indiens et à l'impunité de leurs agresseurs".
Les terres censées être réservées aux indiens sont de plus en plus grignotées par l'expansion agricole, donnant lieu parfois à des affrontements sanglants.
'Ils n'ont jamais vu d'indiens'
Le gouvernement considère que M. Costa ne s'est pas montré à la hauteur des ces enjeux. "Étant donné l'extrême importance que le gouvernement donne à la question indienne, l'organisme a besoin d'une gestion plus agile et efficace, ce qui n'était pas le cas", a justifié le ministère dans un communiqué envoyé à l'AFP.
M. Costa considère pour sa part qu’il paie le prix de sa résistance face au puissant lobby de l'agro-business, très présent dans la base parlementaire du gouvernement Temer.
Il fustige notamment le chef de la majorité à la Chambre des députés, André Moura, lié à ce lobby ainsi qu'aux églises néo-pentecôtistes.
"J'ai été démis de mes fonctions parce que je n'ai pas accepté la demande d'André Moura de faire travailler dans la Funai une vingtaine de personnes qui n'ont jamais vu d'indiens de leur vie", a-t-il déclaré au site d'informations G1.
Photo réalisée à Viana par le Congrès missionnaire indien (CIMI) qui montre un policier en train de parler avec des indiens Gamela après une attaque menée contre eux, le 1er mai. |
Le ministre de la Justice, Osmar Serraglio, en prend également pour son grade. "Les peuples indiens ont besoin d'un ministre qui rende la justice, pas d'un ministre qui sert une cause personnelle", s'est insurgé M. Costa devant des journalistes, quelques heures après son limogeage.
Mardi 2 mai, il avait rappelé qu'une réduction budgétaire de 44% empêchait la Funai de mener à bien la démarcation des territoires.
Les associations de défense des indiens soutiennent également que la mise à l'écart de M. Costa est le fruit d'une "décision politique".
"Il a été limogé parce qu'il rejetait l'instrumentalisation et la subordination de la Funai aux intérêts de l'agro-business et des fondamentalistes religieux", a affirmé Cleber Buzzatto, responsable du Congrès missionnaire indien (Cimi), une organisation liée à l'Église catholique.
En plus de critiquer la lenteur des démarches de démarcation des territoires, le gouvernement a aussi pointé du doigt l'absence de "solutions rapides" face au blocage de routes par des indiens qui protestent contre l'expansion agricole dans plusieurs États du Brésil.
Des terres convoitées
Les indiens de la tribu Gamela affirment que les terres sur lesquelles porte le litige leur ont été données à l'époque coloniale, mais qu'ils en ont été expulsés dès les années 1970.
Depuis 2015, ils ont entrepris d'occuper à nouveau certaines de ces terres, ce qui a donné lieu à des affrontements avec les producteurs.
Les ONG dénoncent des tensions extrêmement vives dans d'autres régions.
Vendredi 5 mai, le parquet a exigé une décision "sous trente jours" du ministère au sujet de la démarcation de territoires de la tribu Taunay-Ipegue, dans le Mato Grosso do Sul.
Dans cet État de l'Ouest du Brésil, à la frontière avec la Bolivie et Paraguay, 36 indiens ont été assassinés en 2015, sur un total de 137 au Brésil. Depuis 2003, le bilan est de 891 morts, selon le Cimi, qui dénonce un "génocide".
Le dernier recensement, datant de 2010, fait état de 896.000 indiens de 305 ethnies vivant au Brésil. Ils représentent 0,4% d'une population de plus de 200 millions d'habitants et occupent 12% du territoire, principalement dans la région amazonienne, au Nord.
AFP/VNA/CVN