Vente de la Formule 1 : des milliards et des questions

La Formule 1 semble sur le point d'être vendue pour plusieurs milliards d'euros, un montant astronomique révélateur du paradoxe de cette discipline : son intérêt sportif est devenu limité au fil des années à cause de l'ultra domination de quelques écuries, mais son pouvoir d'attraction sur les financiers est immense.

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Sebastian Vettel passe devant le logo de la Formule 1, le 2 septembre à Monza
Photo : AFP/VNA/CVN

Gérée depuis 40 ans par l'Anglais Bernie Ecclestone, qui en a fait un business mondial, la F1 pourrait tomber entre les mains du groupe américain Liberty Media.

Mais le flou subsiste dans ce dossier à neuf zéros. Des médias allemands et anglais ont assuré ce week end que la transaction serait bouclée mardi 6 septembre. Dans son édition de lundi 5 septembre, le Financial Times estime pour sa part qu'elle pourrait être officialisée "dans les deux semaines".

Le dossier du rachat de la F1 est un serpent de mer et est ouvert depuis des mois, entre intox, rumeurs et énormes attentes. Si cette vente est confirmée, un nouveau chapitre s'ouvrira dans l'histoire de l'un des deux sports les plus médiatisés au monde avec le football. Et quelques réponses seront apportées, par bribes...

Combien vaut la F1 en 2016 ?

C'est LA question : combien Liberty Media, le groupe de John C. Malone, 75 ans, va-t-il mettre sur la table s'il veut racheter les quelque 35% (34,6%) toujours détenus par le fonds d'investissement CVC Capital Partners ?

Cette part correspond à la participation de CVC Capital Partners dans Delta Topco, holding financière qui encaisse les revenus commerciaux de la discipline reine des sports mécaniques.

Nico Rosberg célèbre sa victoire au GP d'Italie, le 4 septembre à Monza.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le chiffre de 8,5 milliards de dollars (7,6 milliards d'euros) circule dans la presse mais semble très optimiste. Selon Formula Money, un site proche d'Ecclestone, cette part vaut environ trois milliards. Ce qui est déjà énorme et permettrait à CVC Capital Partners de faire une belle plus value.

Les chiffres sont sujets à caution mais en 2006, CVC avait acheté au total 63,4% des parts de la F1, pour un montant estimé à environ un milliard de dollars.

Et le fonds a déjà empoché un retour sur investissement estimé à quelque 2 milliards de dollars en 2012, lorsqu'il a vendu une première partie de ses actions à Waddell & Read, un fonds américain (21%), au fonds BlackRock (3%) et au fonds souverain norvégien Norges (4,4%).

Le Financial Times a affirmé lundi 5 septembre que Liberty envisageait dans un premier temps de racheter seulement 10 à 15% des parts de la F1, pour un montant compris entre 1,3 et 2,6 milliards de dollars, avant une prise de contrôle plus conséquente par la suite.

Pourquoi une vente maintenant ?

Pour un fonds d'investissement, dix ans de présence dans un domaine d'activité est un cycle logique.

Outre les profits conséquents nés de la première vente en 2012, CVC encaisse chaque année un tiers des revenus commerciaux de la F1 (droits télé, circuit, et sponsors). Ces revenus représentent un chiffre d'affaire annuel de 1,2 à 1,5 milliard de dollars, géré par Formula One Management, la société d'Ecclestone.

Un supporter de Ferrari, le 3 septembre à Monza

Si CVC veut passer à autre chose, c'est le bon moment car la F1 est en bonne santé financière, avec des contrats à long terme et des parraineurs très visibles (Pirelli, Emirates, Rolex, Heineken).

Acheter la F1, pour quoi faire ?

A la différence des purs financiers de CVC, le groupe Liberty Medias est spécialisé dans la communication. Comme BSkyB, celui du magnat Rupert Murdoch, qui retransmet la F1 mais n'a jamais réussi à mettre la main sur le trésor de Bernie Ecclestone.

En termes médiatiques, le potentiel de développement est énorme, grâce à la vingtaine de Grands Prix étalés entre mars et novembre sur toute la planète, qui assurent aux sponsors une visibilité mondiale.

Ecclestone a bien géré la percée de la F1, à forte tradition européenne, sur le marché asiatique et au Moyen-Orient, où ont lieu des Grands Prix.

Ecclestone a aussi permis à la F1 de s'installer sur le marché nord-américain (GP du Canada, du Texas, du Mexique) mais la marge de progression y reste très importante, surtout pour un investisseur américain comme Liberty Medias.

L'un des enjeux sera toutefois de rehausser l'intérêt sportif de la F1. Car depuis 15 ans, une poignée d'écuries la domine (Mercedes aujourd'hui, Red Bull ou Ferrari hier), ce qui nuit au suspense et tire les audiences télé vers le bas.

"Bernie" à la retraite ?

La question était sur toutes les lèvres ce week-end, dans le paddock du Grand Prix d'Italie à Monza.

Car la F1 est une grande famille, avec une tendresse particulière pour son patriarche de 85 ans, dont la vie se confond avec le destin de son sport. La vente de la F1 à CVC en 2006 lui a d'ailleurs valu des accusations de corruption en Allemagne et il a finalement obtenu la fin de son procès en versant 100 millions de dollars à la justice allemande en 2014.

Restera, restera pas? "Comme d'habitude, ce sera ma décision", a coupé "Bernie", sibyllin, auprès du magazine allemand Auto Motor und Sport.

Deux choses sont certaines, au moins pour l'instant: Ecclestone détient encore 5,2% du capital de la F1 à titre personnel, en plus des 8,4% qui appartiennent à Bambino Holdings, son trust familial.

Sa retraite est assurée, donc il ne va pas se précipiter pour vendre ces actions (13,6% au total). Et il aura une bonne idée de leur valeur précise si Liberty rachète les 34,6% de CVC.

AFP/VNA/CVN

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