À la saison de la floraison des lotus, vers la fin de l’été, on parfume le thé à l’aide des étamines. Un travail de fourm |
«Premièrement, de l’eau.
Deuxièmement, du thé.
Troisièmement, le procédé de préparation.
Et quatrièmement, la tasse».
Voilà les éléments de base indispensables pour une vraie cérémonie de thé à la vietnamienne. Lors des jours du Têt, les personnes âgées de Hanoi adorent méditer autour d'une tasse bien chaude préparée de façon traditionnelle. D’autant plus s’il s’agit de thé au lotus.
Spécialité au parfum du Ciel et de la Terre
D'après, le «maître de cérémonie» Hoàng Anh Suong, le thé au lotus incarne l’art de vivre à la Hanoïenne. Il comporte plusieurs étapes de préparation très précises. En premier lieu, le choix du thé : le meilleur est le Tuyêt Shan, de la province septentrionale de Hà Giang, planté depuis plusieurs centaines d’années sur les flancs de montagnes entre 800 m et 1.300 m d'altitude, noyés la majeure partie de l’année dans la brume. Les cultivateurs doivent récolter les meilleures pousses, avec des feuilles ni trop jeunes, ni trop vieilles. Elles sont ensuite lavées avant d’être mises dans une grande marmite à fond percé de trous.
Un rituel immuable
Après avoir été séché, le thé est conservé dans des jarres recouvertes de feuilles de bananiers séchées, ce pendant trois ou quatre ans. Cela permet d'atténuer l’âpreté du thé tout en conservant sa spécificité. Viennent ensuite les étapes d’aromatisation et de séchage, qui tiennent de l'art au vu de la délicatesse et du savoir-faire qu’elles exigent. Pour aromatiser un kilo de thé, il faut compter de 1.000 à 1.200 fleurs de lotus. On alterne une fine couche d'étamines avec une fine couche de feuilles de thé. On recouvre le tout de papier perméable, fait d’écorce de rhamnoneuron. La durée d'imprégnation dépend du degré d’humidité des étamines, mais dure en moyenne de 18 à 24 heures. Puis, on tamise le thé pour le séparer des étamines. Pour obtenir un thé de qualité optimale, le cultivateur doit appliquer ce procéder une 2e, une 3e, une 4e, voire une 5e fois.
Servir le thé, c’est tout un art. |
Pour les Vietnamiens, déguster du thé est un véritable rituel, encore plus à l’occasion du Têt, à la faveur de l’ambiance printanière. Le "maître de cérémonie" doit d’abord faire bouillir de l'eau (de l’eau de pluie le plus souvent), choisir une belle théière, des tasses assorties, du thé de qualité, et procéder à la préparation.
Au fil des années, la cérémonie de thé vietnamien a connu des transformations. Néanmoins, quelle que soit l’époque, cet art de vivre conserve toujours la même philosophie sobre et profonde. On déguste le thé parce qu'il procure des sensations agréables, un sentiment de légèreté...
À l'origine, le thé était consommé comme un médicament avant de devenir une boisson usuelle. Pour l’heure, le fait d’en déguster tient toujours de la cérémonie, du rituel distingué.
Si les Occidentaux, notamment les Britanniques, considèrent le thé comme un fil conducteur des rencontres, des conversations, les Orientaux, en particulier les Asiatiques en perçoivent sa dégustation comme un moment spécial de la vie, cérémonial donc. Si le thé en est l’élément central, ce rituel renvoie délicatement à une sensation de bien-être et de beauté éthérée, le tout dans le plus grand respect de son prochain. Un constat encore plus perceptible dans les lieux sacrés comme les pagodes, où le thé est utilisé pour les pratiques et les séances de méditation des fidèles.
Visiteurs lors du Festival de la culture du thé, tenu le 8 novembre 2013 dans la province de Thai Nguyên, bien connue pour sa culture du théier. |
Photo : Minh Duc/VNA/CVN |
Pour savourer pleinement ce breuvage, autant prendre ce qui se fait de mieux au Vietnam, à savoir le Tuyêt Shan, cité précédemment. Ce thé limpide, aux reflets verts-dorés, laisse de prime abord un goût âpre avant de relâcher tous ses arômes.
La couleur du thé vietnamien, son bouquet léger - nature ou aromatisé aux fleurs de ngâu (aglala), de môc (osmanthus), de jasmin et de lotus pour davantage de raffinement - nous évoque le Vietnam dans ce qu’il a de meilleur à offrir avec ses forêts, la mer, sa nature généreuse et luxuriante. Si son âpreté et sa légère amertume évoquent le labeur et l’assiduité des cultivateurs, son arrière-goût délicieux nous renvoie à l’âme fidèle du peuple vietnamien. Tout cela dans une simple tasse de thé... Savourez, s’il vous plaît !
Thu Trang/CVN