La prison de Guantanamo, le 30 mars 2010. |
Le personnel du centre de détention, ouvert il y a dix ans pour enfermer les "pires des pires" des "combattants ennemis", a trouvé un numéro de la revue Inspire dans la prison. C'est ce qu'a indiqué le 18 janvier l'adjointe du procureur militaire Andrea Lockhart au tribunal devant lequel comparaissait le Saoudien Abd-Al-Rahim Al-Nachiri, accusé d'être le cerveau de l'attentat contre le navire américain USS Cole.
Elle n'a pas précisé comment cette publication attribuée à Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique (AQPA) avait été introduite dans la prison ni si elle avait été trouvée lors d'une fouille des cellules. Inspire était un magazine en ligne de l'organisation AQPA au Yémen, qui publiait régulièrement des articles citant, avant sa mort, l'imam Anwar al-Aulaqi, haut-responsable d'Al-Qaïda, et donnait des instructions pour fabriquer des explosifs.
L'adjointe du procureur a fait cette révélation pour justifier de nouvelles règles d'inspection du courrier avocats-détenus instaurées fin décembre par le nouveau commandant de la prison. "La genèse" de cette réforme, a-t-elle expliqué, c'est que "ça ne marchait pas, il y avait des documents qui rentraient, comme le magazine Inspire qui n'aurait pas dû être là".
Le nouveau règlement suscite les protestations des avocats exerçant à Guantanamo, qui ont décidé de suspendre leur correspondance avec les prisonniers. "C'est une violation des relations privilégiées entre les avocats et leurs clients", a dénoncé Stephen Reyes, l'un des avocats militaires de M. Nachiri. "Cela doit s'arrêter".
Les procédures essaient de trouver un "équilibre entre les besoins de la défense et les besoins légitimes de protéger les intérêts de l'État" en matière de sécurité nationale, a plaidé Andrea Lockhart. Cette question a occupé plusieurs heures des deux jours d'audience préliminaire du Saoudien Nachiri, premier détenu à encourir la peine de mort devant un tribunal militaire d'exception sous l'administration Obama.
En vertu de ce règlement, toutes les correspondances, autres que les "communications privilégiées" émanant directement des avocats, sont systématiquement "scannées, contrôlées, traduites et susceptibles d'être rejetées" par une équipe du ministère de la Défense et du Renseignement. Il peut s'agir d'articles de journaux, de documents ou de lettres de tiers, qui, selon les avocats, peuvent les aider dans leur stratégie de la défense.
Le juge militaire James Pohl a donné sept jours à la défense pour faire des nouvelles propositions et à l'accusation pour y répondre. "Il y aura un nouveau règlement dans deux semaines", a-t-il promis. Il a appelé les parties à se retrouver pour une nouvelle audience en avril. Le procès ne devrait pas se tenir avant plusieurs mois. L'accusation espère démarrer en mars 2013 mais la défense a indiqué qu'elle ne serait pas prête avant mars 2015.
Le Saoudien, âgé de 47 ans, est poursuivi pour l'attentat contre le Cole qui avait fait 17 morts en octobre 2000 au Yémen. Il est également accusé d'une tentative d'attentat quelques mois plus tôt contre un destroyer américain, l'USS Sullivans, et pour l'attentat contre le pétrolier français MV Limburg, dans lequel un marin bulgare avait péri en 2002 dans le golfe d'Aden.
Après l'audience, ses avocats ont démenti que Nachiri, considéré comme un proche d'Oussama ben Laden, soit le destinataire du magazine. "Quoi qu'il se soit passé, notre client n'est pas impliqué", a assuré à la presse Me Richard Kammen. Il a relevé une "coïncidence" entre l'émergence d'abus dans l'inspection du courrier et le début des procédures judiciaires à l'encontre de M. Nachiri et des cinq accusés des attentats du 11-Septembre.