Une école vietnamienne sur le Tonlé Sap

Dans le Nord-Ouest du Cambodge, sur le Tonlé Sap, le plus grand lac d’eau douce d’Asie du Sud-Est, une école flottante vietnamienne suscite l’espoir d’une vie meilleure.

Quand arrivent les pluies de mousson, le Tonlé Sap («grande rivière d’eau douce» en khmer) reçoit le trop-plein des eaux du Mékong, et envahit les forêts et les champs avoisinants.

Les embarcations qui naviguent sur les flots sont pour la plupart occupées par des femmes et des enfants. Ces derniers sont tout petits, maigrichons et le plus souvent torse-nu. Les femmes transportent les enfants pour les faire accoster sur les bateaux de tourisme. Lorsque la cible est atteinte, elles jettent alors de grandes bassines dans l’eau de sorte que les petits marins d’eau douce s’y installent pour partir à l’abordage et vendre des objets de souvenirs…

Le bonheur de faire école

Depuis peu, l’espoir d’une vie meilleure a ravivé la flamme qui habite le cœur des résidents du Tonlé Sap. Cet espoir s’appelle l’«École vietnamienne», la seule école d’enseignement du vietnamien destinée aux petits Viêt kiêu qui vivent sur ce grand lac. Cet établissement, une maison flottante en bois de 70 m², est l’œuvre de Vo Van Dây, ancien président de l’Association des Viêt kiêu du hameau 7. Selon Mme Tu, l’infirmière, les responsables de l’École vietnamienne et les parents d’élèves ont accueilli à bras ouverts l’inauguration de cette école.

Bienvenue à bord de l'École vietnamienne, sur le Tonlé Sap

L’École vietnamienne ne peut héberger qu’une seule classe à la fois. L’emploi du temps doit par conséquent être aménagé pour permettre d’accueillir chaque jour et à tour de rôle les environ 200 élèves répartis dans les quatre classes du primaire.

Deux instituteurs bénévoles originaires de la province de Tây Ninh se chargent de l’enseignement. Trân Van Tu, âgé de plus de 70 ans, s’occupe de la 1re classe du niveau primaire, tandis que Nguyên Minh Luân, 25 ans, assume les trois restantes. L’école utilise les manuels scolaires publiés par le ministère vietnamien de l’Éducation et de la Formation. Les enfants apprennent trois disciplines (langue vietnamienne, mathématiques et histoire). Chaque séance dure environ deux heures et demie.

Les parents ne paient aucun frais d’étude et quelques fois, les instituteurs partagent leurs repas avec les élèves. Il arrive parfois qu’à la vue d’un bateau de croisière, les élèves «quittent le navire» pour quelque activité plus lucrative. Il faut bien vivre, n’est-ce pas ? Souvent, cet établissement reçoit la visite de délégations humanitaires venues remettre des cadeaux et des fournitures scolaires. Des assistances essentielles à sa survie. Très surpris, les enfants, qui habituellement veulent coûte que coûte se faire de l’argent sur le dos des touristes montrent alors un tout autre visage, respectueux, polis à l’extrême lorsque ces bienfaiteurs montent à bord pour distribuer les présents qu’ils ont pour eux.

Une micro-société lacustre

Lê Thi Be Tu, un parent, confie : «J’ai quatre enfants. Le plus petit reste toute la journée à l’école et on lui prépare des gamelles pendant la saison des crues. Il apprend à lire et à écrire, pendant que ses frères et sœurs nous suivent pour chercher de quoi vivre».

Une petite classe pour de grands espoirs

Le mode de vie des Be Tu est partagé par de nombreux foyers vietnamiens vivant sur le Tonlé Sap. Tous les membres de la famille sont confinés sur une embarcation de 9 à 10 m². La communauté des Vietnamiens résidant en ces lieux compte environ 4.000 personnes, dont la moitié se trouve sur ces petites «maisons flottantes». La plupart du temps, les jeunes femmes de 24-25 ans, souvent mères de quatre à cinq enfants, guettent la venue des bateaux touristiques, prêtes à vendre des bouteilles d’eau -il faut dire que le climat étouffant s’y prête-, ou prendre des photos.

Mais pendant la saison sèche, tout ce petit monde est bouleversé. Le Tonlé Sap déverse dans le Mékong les réserves accumulées pendant la saison des pluies. Le cours de l’eau s’inverse à nouveau. Ce qui n’empêche pas à l’École vietnamienne de fonctionner, même si elle doit s’accommoder de ces désagréments. En effet, l’éducation de ces enfants prime sur le reste, leur fournissant un ancrage solide à l’intégration dans leur pays d’adoption.

Quê Anh/CVN

 

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