Un van tê (invocation rituelle) historique

Mais qui peut prévoir son sort sur le champ de bataille ?

D'aucuns parmi vous, se faufilant au milieu des chevaux, ont voulu en pleine bataille, s'emparer du drapeau ennemi.

Hélas ! pour le héros, le sort fut ingrat, il a suffi d'une balle perdue, et la mort est venue, légère comme un duvet.

D'autres, en plein courant, ont sauté sur les vaisseaux pour arracher les lances ennemies. Le devoir a pesé plus lourd que la vie et leur corps enveloppé dans une peau de cheval ballotte au hasard des flots.

Où retrouver les mânes des héros perdus au milieu des déserts que fouettent les tourbillons de poussière, où la moindre trace se perd bien loin du village natal ?

Comment retracer les traits des combattants morts en affrontant les pires dangers, à la lueur tremblotante des lucioles, près d'un embarcadère abandonné.

Hélas !

Tous étaient au même degré loyaux et fidèles, mais la vie est courte ou longue, chacun suit son destin.

Sur la voie des honneurs, nous nous sommes séparés, ceux qui vivent et ceux qui ont rejoint l'éternité.

Le regret nous étreint à penser à vos corps solides comme du bronze et du fer, à vos épées forgées au cours de cent batailles : vous avez dû payer de votre vie la dette au roi qui vous allouait vêtements et nourriture.

Nous rendons hommage à votre cœur aussi ferme que le granit et aussi pur que l'or ; pour vous, la vie est bien brève, le temps de voir par la fenêtre galoper un cheval, mais vos entrailles sont satisfaites d'avoir accompli le devoir de gratitude.

Vous ne figurez pas encore dans le pavillon d'honneur de la brume et des nuages (10),

Mais partout, les champs et les pâturages connaissent notre nom.

Vous avez suivi la bannière royale flottant au vent, peu vous importait de coucher sur la neige, sous la brume et vous attendiez de voir votre nom figurer sur les drapeaux.

Hélas, il a suffi d'un faux pas au milieu du courant, votre âme a rejoint les Neuf Sources et les Nuages (11) et les faveurs du roi n'ont pas eu le temps de vous combler.

Sur les ordres du roi réinstallé depuis un mois dans la capitale, les troupes ayant servi la juste cause, qu'elles fussent de Thuân Hoa, des quatre province Quang ou de Thanh Hoa, Nghê An, seront toutes récompensées et la lumière bienfaisante rejaillira au nord comme au sud du col Deo Ngang (12).

Et tous ceux qui ont fait la guerre, depuis l'année 1798 jusqu'à ce jour (13), figureront sur le rapport au trône, avec leurs noms et leurs mérites respectifs.

Les sons du cor font trembler la clarté lunaire, tristesse et joie se répandent suivant les lieux.

Les roulements du tambour précipitent l'épanouissement des fleurs, les unes éclosent, les autres se fanent.

Les héros bien sûr se soucient peu de toutes ces choses ; seule importe l'ardeur déployée au cours des centaines de combats, et la mort n'est plus rien quand on est prêt à offrir sa vie !

Mais on peut reprocher au Créateur sa cruauté ; l'occasion n'advient guère que tous les mille ans, pourquoi ne pas laisser se retrouver à la fin tous ceux qui avaient débuté ensemble ?

Nous, qui avons reçu l'ordre de monter la garde aux frontières, nous pensons aux sentinelles des postes lointains.

Le fumet des festins servis sous ces riches tentures nous rappelle les tasses d'alcool versées naguère au bord des torrents.

Les habits brodés qui resplendissent sous nos toits n'effacent pas l'image des pelisses qui séchaient au vent.

La tristesse envahit notre cœur. Nous sommes là, où sont les autres ?

Mais dans notre esprit, les chefs et leurs hommes restent inséparables.

La paix est à peine rétablie, voici simplement l'offrande de notre cœur, quelques tasses d'alcool, des ex-voto.

Devant toute l'armée rassemblée, avec ses drapeaux écarlates et ses casques rouges, réaffirmons notre devise d'union de cœur et d'esprit.

Venez à notre invitation, écoutez nos recommandations, ô vous, âmes animées de force divine !

Comment vous étiez tombés au champ de bataille, peu importe, votre mort qu'elle soit méritée ou non, prématurée ou tardive, quel que soit votre grade, venez tous ici ! Après l'offrande, nous demandons au roi de célébrer publiquement vos mérites.

Et à cette ère de paix et de prospérité, ne pensez pas que vous n'y avez pas droit. Vos pères vieux, vos mères malades, vos femmes veuves, vos fils orphelins, une fois la liste dûment dressée, recevront tous des subsides convenables.

Où que vous soyez, vos âmes et esprits jouissent des jours tranquilles comme au temps des empereurs Thuân et Nghiêu (14).

Vos corps bénéficient de la paix et de la prospérité comme sous les empereurs Thang, Vu (15).

On ne peut rien prévoir de la marche mystérieuse des événements, mais que votre âme, douée de force divine, retourne au pays natal pour jouir de l'offrande de l'encens et du feu, et quand vous renaîtrez, vous choisirez à nouveau de rejoindre l'avant-garde.

Vivants ou morts, n'oubliez pas votre devoir de fidélité. Usez de vos facultés divines pour protéger la dynastie présente (16), pour sauvegarder le calme des mers, la limpidité des fleuves, préserver le trône pour dix mille générations.

Venez aux offrandes !

Mille regrets et adieux !

(10) Étage de la brume (sous l'empereur Thai Tông des Tang) et Pavillon des nuages (sous l'empereur Minh Dê des Han) où était perpétuée la mémoire de ceux qui avaient rendu des services éminents au monarque.
(11) Royaume de la mort.
(12) Col transversal.
(13) De 1798 à 1801.
(14) De l'âge d'or chinois.
(15) De l'antiquité chinoise.
(16) Celle des Nguyên fondée en 1802 par le roi Gia Long.

Huu Ngoc/CVN

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