Une classe de Mme Hông. |
Chaque matin, Mme Hông, 42 ans, domiciliée dans le district d’An Hoà, ville de Huê (Centre), se rend très tôt dans la classe pour que tout soit prêt avant d’accueillir ses élèves. Elle connaît chaque visage et les conditions de vie de chacune de leur famille. Eux l’appellent «maîtresse Hông», bien qu’elle n’ait fréquenté aucun établissement de formation pédagogique.
Baccalauréat en poche, elle a décidé d’ouvrir cette classe «du cœur» pour les enfants des pêcheurs. Au début, sa classe se situait dans la rue Lê Loi, et les élèves qu’elle accueillait vivaient tous sur les embarcations de la rivière des Parfums. Puis, lorsque tout ce petit monde flottant a dû s’installer sur la terre ferme, elle les a suivis.
«Je leur enseigne la littérature et les mathématiques avec les manuels du ministère de l’Éducation et de la Formation. Les niveaux que j’assure vont de la 1ere à la 4e classe (du CP au CM1 selon le système scolaire français). Les conditions de vie difficiles de leur famille font qu’ils n’ont pas les moyens d’aller à l’école. Je veux d’abord leur apprendre à lire et écrire. Peut-être que quelques-uns pourront ensuite fréquenter des écoles normales», confie le professeur.
Au bout d’un certain temps en effet, les pêcheurs ont été contraints de déménager dans le quartier résidentiel Huong So, sur la terre ferme. Beaucoup d’enfants ont alors abandonné la classe pour gagner de quoi vivre ou rester à la maison pour garder leurs cadets. Mais il en aurait fallu davantage pour décourager Mme Hông. Avec son amie Nguyên Thi Huê, elle est allée à la rencontre de chaque famille pour demander aux parents de permettre à leurs enfants de retourner en classe. Pari réussi, puisqu’elle a été rouverte, avec qui plus est deux institutrices pour le prix d’une!
Un élève reçoit des bonbons de son professeur. Photo : CTV/CVN |
Que tous les enfants puissent aller à l’école !
La classe compte aujourd’hui 30 élèves de 8 à 15 ans, Mme Hông donne des cours aux élèves des 1ere et 4e classes, tandis que son collègue Huê se charge des 2e et 3e classes. Un travail qui paye car après la 4e classe, certains enfants ont demandé à leurs parents de les inscrire à l’école normale et ont obtenu de bons résultats scolaires.
C’est le cas par exemple de Trân Thanh Thuy, aujourd’hui au lycée Dang Trân Côn, ou de Tân, qui fréquente les bancs du collège Thông Nhât - une école prestigieuse de la province de Thua Thiên-Huê.
Après la 4e classe, certains enfants ont demandé à leurs parents de les inscrire à l’école normale. Photo : CTV/CVN |
«Voir des familles envoyer leur enfant dans des écoles normales est la plus belle des récompenses pour moi…, même s’il y en a d’autres qui doivent se résoudre à abandonner leurs études», regrette Mme Hông. Son élève de 4e classe Bùi Thi Hiên en fait partie, les conditions de vie de sa famille l’obligeant à apprendre un métier. Les autres comme Vo Thi Lân, Truong Thi Hang, Hà Thi Lan... vont devoir abandonner leurs études pour tenter de gagner leur vie du côté de Hô Chi Minh-Ville.
À l’approche des fêtes, Mme Hông a frappé à la porte d’associations philanthropiques afin de recueillir des fonds pour organiser une fête à ses élèves. «Leur joie suffit à mon bonheur», sourit-elle.
Le directeur adjoint du Centre d’éducation régulière de la ville de Huê, Trân Quang Phuoc, informe que les classes de Mme Hông ont permis d’éradiquer l’analphabétisme chez beaucoup d’enfants de pêcheurs. Ce centre octroie une petite somme pour rémunérer les deux professeurs. Mais, cela ne suffit même pas à couvrir l’achat de l’essence pour le transport. «Elles ne peuvent évidemment pas vivre de ce salaire. Si elles continuent, c’est uniquement parce qu’elles ont un cœur gros comme ça !», a avoué avec respect le chef adjoint du Centre d’éducation régulière de la ville de Huê.
Hà Minh/CVN