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Vu Hà Tuê est diplômé de l’Université d’architecture de Hô Chi Minh-Ville depuis 2004. Pourtant, depuis bientôt quinze ans, il se passionne pour les livres anciens, qu’il collectionne. Alors qu’il lisait, un peu par hasard, un livre d’images en souvenir de l’auteur Nguyên Du (1765-1820), sa curiosité est piquée par des illustrations concernant le Truyên Kiêu (Histoire de Kiêu), un poème écrit en nôm (écriture démotique) au début du XIXe siècle C’est ainsi que, s’intéressant de plus en plus aux différentes éditions de cet ouvrage, il commence à collectionner le Truyên Kiêu.
Vu Hà Tuê et ses livres anciens. Photo : LD/CVN |
Propriétaire de 40 éditions
Sa fascination pour les livres pourrait provenir de sa famille. Son père, enseignant de littérature avant 1975, possédait de nombreux livres. Enfant, il les lisait volontiers.Depuis qu’il s’est lancé plus avant dans la collection de livres, il a rejoint des clubs dédiés à ce passe-temps, où les membres échangent des informations et entrent en contact avec d’autres collectionneurs à travers le pays, par l’intermédiaire d’Internet.
Tuê garde en mémoire de nombreuses anecdotes concernant ses recherches. «Je cherchais des livres sur Internet et j’ai découvert qu’il existait deux éditions du +Truyên Kiêu+ en français, en vente dans une librairie en France. Les collectionneurs vietnamiens considèrent que les éditions du +Truyên Kiêu+ en français sont rares, y compris les deux en question».
Et d’enchaîner : «Après les avoir achetées, j’ai découvert que ces deux éditions cachaient bien des secrets. J’ai passé beaucoup de temps à étudier les deux traducteurs (Thu Giang et L. Mass) et j’ai découvert qu’il s’agissait en fait d’une seule et même personne : un traducteur français utilisant un nom vietnamien».
Aujourd’hui, Tuê possède plus de 40 éditions précieuses du Truyên Kiêu. «Selon les critères des collectionneurs, je possède presque toutes les éditions précieuses de cette grande oeuvre, sauf quelques-unes, celles traduites en français par A. Michel ou par Bùi Khanh Diên notamment».
Un penchant pour les dédicaces
En tant qu’architecte, il se passionne aussi pour les plans de bâtiments anciens. S’il en trouve, il les recueille. Mais, ces dernières années, il s’est particulièrement concentré sur la collecte de manuscrits et d’autographes d’écrivains de renom.
Les collectionneurs ont des fins diverses. Tuê s’intéresse uniquement à la préservation des œuvres des écrivains. «Quand je tiens un manuscrit de Vu Trong Phung, je me sens comme si cet écrivain de renom était présent dans chaque phrase. Cela me rend très heureux».
Couverture du magazine Văn Hoa Ngày Nay (Culture d’aujourd’hui), dédicacé par l’écrivain Nhât Linh. Photo : LD/CVN |
La dédicace d’un auteur dans un livre déjà rare fait augmenter sa valeur. De plus, les signatures contiennent parfois des informations importantes sur l’époque et l’environnement de vie des écrivains. Une ressource précieuse pour les chercheurs.
De fait, pour Tuê, trouver des dédicaces est moins important que de réussir à les décoder. Une telle démarche est laborieuse, mais elle contribue à une meilleure compréhension des écrivains. Les collectionneurs ne sont donc pas uniquement des citoyens aisés qui ne savent qu’acheter, conserver et fixer les prix. «J’ai acheté le livre +Trung Hoa Su Cuong+ (Histoire de la Chine), signé par l’auteur Dào Duy Anh et offert à My Am, que personne ne connaissait. J’ai découvert qu’il était en fait le fils de Truong Vinh Ky, un célèbre érudit vietnamien».
Et de poursuivre avec un autre exemple. «Je voulais en apprendre davantage sur l’histoire du roman Giông Tô (Tempête), de Vu Trong Phung. Ce livre a été recueilli par le prêtre Nguyên Huu Triêt et signé par son auteur comme cadeau pour un certain Nguyên Tài Thuc. La carte de presse de Vu Trong Phung se trouvait dans le livre. Mais personne ne savait qui était Nguyên Tài Thuc».
«Un jour, j’ai acheté un livre de critique de littérature, dédicacé par Kiêu Thanh Quê. Il avait été offert à Dông Chi Nguyên Tài Thuc. J’ai suivi cette piste et j’ai découvert qu’il était journaliste à Sài Gon. Il l’a utilisé pour écrire des commentaires littéraires pour des journaux. Ce journaliste appréciait particulièrement les œuvres de Vu Trong Phung dans les années 1930. Une telle relation aurait motivé Vu Trong Phung pour donner à la fois son livre et sa carte de presse à Nguyên Tài Thuc».
Actuellement, la collection de livres dédicacés de Tuê concerne plus de 500 écrivains, dont 20 à 30 qui sont rares.
Les livres, un savoir à préserver
Tuê consacre tout son temps libre à la collecte et à l’étude de livres anciens, même si son travail d’architecte est très prenant, notamment du milieu à la fin de l’année. «J’espère réunir d’autres collectionneurs de livres dans l’espoir de publier une série avec des autographes et des portraits d’écrivains vietnamiens».
Tuê travaille aussi avec ses amis pour copier des livres rares pour les chercheurs et les étudiants. Il se dit finalement disposé à coopérer avec les éditeurs dans leur recherche de livres anciens.
«Si on ne protège pas les livres, les générations suivantes ne pourront pas les lire, déclare Tuê. Si aujourd’hui on possède des livres vieux de plusieurs centaines d’année, c’est grâce à ceux qui les ont protégés».
Thuy Hà/CVN