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Des fleurs ont été déposées en hommage aux 31 personnes décédées au centre Herron, le 16 avril près de Montréal, Canada. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Cet établissement privé, la résidence Herron à Dorval, est devenu en quelques jours le symbole douloureux de l'hécatombe qui frappe les résidences pour aînés du pays. On y recense, comme dans de nombreux pays européens, la moitié des décès liés au COVID-19.
"Épouvantable", s'est ému le Premier ministre du Québec, François Legault, pointant une "grosse négligence" et ordonnant plusieurs enquêtes - dont une de la police criminelle - après les révélations du Montreal Gazette.
Selon le journal anglophone, des responsables des autorités sanitaires appelés à la rescousse dans cet établissement déserté par une grande partie du personnel par peur de contracter le COVID-19, avaient découvert une scène de désolation : patients pas nourris depuis plusieurs jours, des couches qui débordent d'excréments, des malades gisant au sol après une chute. Et deux aînés retrouvés morts dans leur lit.
"Ça m'a vraiment donné la nausée, parce que j'ai soudain eu tout un tas de questions : qu'aurions-nous pu faire différemment ? Pourquoi personne ne nous a rien dit ?", se désole Moira Davis, après le décès de son père Stanley Pinnell au centre Herron, le 8 avril.
Jointe par l'AFP dans sa maison de Saskatchewan, dans l'Ouest du pays, Mme Davis explique avoir été préoccupée par l'état de son père, âgé de 96 ans, persuadée qu'il était infecté depuis "au moins le 1er avril" au vu de la faiblesse de ses conversations au téléphone.
À la résidence Herron, au moins cinq des 31 décès ont été attribués directement au virus, les autres sont en cours d'analyse.
"Traitement inhumain et dégradant"
Cette affaire n'est pas "près d'être finie", affirme Mme Davis. D'autant que "les projecteurs du monde entier sont braqués sur Herron, l'exemple parfait de ce qui ne va pas dans nos soins de santé pour personnes âgées", dit-elle.
Stanley Pinnell, 86 ans, décédé le 8 avril, fait partie des 31 morts recensés en trois semaines à la résidence Herron, image distribuée le 17 avril. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Ça m'effraie, ça me terrifie de me dire qu'à 60 ans, je vais peut-être moi-même finir dans l'une de ces maisons", souligne Moira Davis, les larmes aux yeux.
Une procédure de demande d'action collective a été déposée au nom des 130 résidents contre le centre Herron, réclamant au total plus de 5 millions de dollars canadiens (3,4 millions d'euros) pour "traitement inhumain et dégradant".
Le quotidien La Presse a aussi révélé depuis que le président du groupe qui possède le centre, Samir Chowiera, avait séjourné en prison pour trafic de drogue et fraude.
"Le 7 avril, ma mère a été laissée dans sa chaise roulante avec des couches pleines, souillées, pendant trois heures parce que personne n'a répondu" au bouton d'appel d'urgence, témoigne pour l'AFP Peter Wheeland.
"On n'était pas capable de communiquer avec qui que ce soit", assure M.Wheeland, se rappelant la "peur" que sa mère meure soudainement.
Connie Wheeland, qui est à l'hôpital où elle a été diagnostiquée positive au coronavirus, ne retournera pas à Herron. Plutôt que de continuer de payer un loyer annuel de 45.000 dollars canadiens (29.000 euros) au centre, son fils envisage de louer un appartement privé et d'embaucher quelqu'un pour s'occuper d'elle.
L'armée à la rescousse
Maxime Jacques, 35 ans, accompagné de sa sœur, son épouse et ses enfants, fait de grands signes de la main à sa mère, Jacqueline, 86 ans, depuis le parking du centre Herron. La chambre de la pensionnaire, située au 1er étage, lui permet d'apercevoir la pancarte "on t'aime mamie" que ses petits-enfants ont accrochée à une barrière.
Le trentenaire regrette le manque de communication sur l'état de santé de sa mère.
Cette hécatombe n'est pas une surprise pour les experts : le budget consacré aux soins de longue durée est le "parent pauvre" du système de santé au Canada, où il n'existe pas de financement spécifique contrairement à ce qui se fait en France ou en Allemagne.
"On a négligé le secteur des personnes âgées depuis très longtemps", dit Réjean Hébert, ancien ministre de la Santé au Québec, citant des "difficultés de main-d'œuvre" liés à des "emplois qui sont mal payés".
Face au tollé, le Premier ministre du Québec a appelé les médecins à "venir faire le travail des infirmières" dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, l'équivalent québécois des Ehpad. Il estime qu'environ 2.000 travailleurs de la santé manquent à l'appel.
Le Premier ministre, Justin Trudeau, a annoncé vendredi 17 avril l'envoi de 125 membres des forces armées pour aider le personnel des CHSLD de la province. Le Québec comptait vendredi soir 688 morts du coronavirus, soit la moitié du bilan national de 1.354 décès.