>>La Maison Blanche accorde un nouveau sursis à ses principaux alliés sur l'acier
La Maison Blanche a annoncé lundi 30 avril qu'elle consentait à prolonger jusqu'au 1er juin un sursis censé s'achever le 1er mai, tout en soulignant qu'elle resterait "focalisée" sur la préservation de la sécurité nationale des États-Unis lors des discussions appelées à se poursuivre. Mais l'UE ne s'est pas satisfaite de la concession du président américain Donald Trump. "La décision américaine prolonge l'incertitude du marché, qui affecte déjà les décisions commerciales", a répliqué la Commission européenne.
L'UE "devrait être totalement et définitivement exemptée de ces mesures, car elles ne peuvent être justifiées par des raisons de sécurité nationale", a ajouté l'exécutif européen, assurant que les Européens "ne négocieront pas sous la menace". L'exemption "jusqu'au 1er juin seulement n'est pas suffisante", a renchéri sur Twitter le président du Parlement européen, Antonio Tajani, regrettant une incertitude "néfaste pour l'industrie des deux côtés de l'Atlantique".
Même son cloche du côté des grandes capitales européennes: il faut une exemption "durable", a réclamé Berlin, "définitive", a dit Londres, "permanente", a exhorté Paris, qui en fait la condition préalable pour discuter "sereinement" avec Washington du problème réel de surcapacité dans le secteur de l'aluminium et de l'acier. Pourtant, le secrétaire américain au commerce Wilbur Ross a justifié cette prolongation d'exemption par de potentielles avancées dans la résolution des différends entre l'UE et Washington.
Interrogé par CNBC pour savoir pourquoi l'exemption avait été prolongée, M. Ross a répondu: "parce que nous avons potentiellement des discussions fructueuses sur, d'une manière générale, la réduction des tensions commerciales entre l'Union européenne et nous-mêmes". "Nous avons bon espoir que quelque chose de positif sortira de tout cela", a-t-il ajouté.
La riposte est prête
Le président américain Donald Trump avait promulgué le 8 mars des droits de douane de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium tout en exemptant immédiatement le Canada et le Mexique. Fin mars, il avait également exempté provisoirement l'UE.
Dans le cas d'Ottawa et de Mexico, le président américain a par ailleurs lié une éventuelle exemption définitive à la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Aléna). Le bref répit accordé intervient alors que les Européens ont multiplié les demandes d'exemption définitive ces dernières semaines et fait largement savoir qu'ils étaient "prêts" à riposter en cas de mise en oeuvre de ces taxes.
En échange d'exemptions de ces taxes, les Américains réclament des concessions commerciales. Ils ont ainsi obtenu de la Corée du Sud une réduction de ses exportations d'acier vers les États-Unis et une plus grande ouverture de son marché à leurs constructeurs automobiles. "Un des problèmes qui apparaît est celui du traitement équitable des automobiles et nous aimerions voir quelques concessions de l'Europe", a rappelé la semaine passée le principal conseiller économique de Donald Trump, Larry Kudlow.
Pour les Européens, c'est la Chine, de loin le premier producteur mondial d'acier et souvent accusée de subventionner massivement son industrie, qui est à l'origine de la surcapacité en acier et aluminium. Pékin, qui subit depuis fin mars les taxes américaines, a de son côté porté plainte contre les États-Unis devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Tabac, bourbon, jeans
Sans attendre la décision définitive américaine, Bruxelles a poursuivi ces dernières semaines les démarches qui lui permettront de répondre à d'éventuelles taxes américaines tout en respectant les règles de l'OMC.
La mesure la plus immédiate vise à taxer de manière "ciblée et proportionnée" des dizaines de produits emblématiques fabriqués aux États-Unis, parfois dans des États ayant voté pour Donald Trump, dont le tabac, le bourbon, les jeans ou les motos pour compenser en valeur les pertes potentielles pour l'industrie européenne. Une liste de produits a déjà été approuvée mi-avril par les États membres mais, selon une source européenne, il faudrait néanmoins encore quelques semaines avant que l'UE puisse en toute légalité frapper les États-Unis de premières mesures de rétorsion.
Si Washington venait à imposer le 1er juin ses nouvelles taxes, Bruxelles pourrait également déposer une plainte devant l'OMC, estimant que, sous couvert de préserver la sécurité nationale, elles ne servent qu'à avantager les entreprises américaines. Cette action prendrait alors des années avant d'aboutir. L'association des sidérurgistes européens Eurofer a déploré mardi 1er mai "la poursuite d'une politique d'incertitude" côté américain. Mais elle a aussi appelé l'UE à ne pas réagir par "des mesures commerciales unilatérales". En 2017, l'Europe a exporté 5,3 milliards d'euros d'acier et 1,1 milliard d'euros d'aluminium vers les États-Unis.