Solution miracle ou dangereux mirage, la géo ingénierie fait débat

Des scientifiques proposent de rendre les nuages plus brillants ou de fertiliser les océans afin de contrecarrer le réchauffement climatique, mais l'idée de jouer avec l'atmosphère inquiète ceux qui soulignent l'immaturité de la géo ingénierie.

La conférence annuelle de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS) à San Diego (Californie), le plus grand rassemblement scientifique du monde, a été l'occasion pour les 2 camps d'exposer leurs points de vue.

"L'ingénierie climatique à grande échelle n'a jamais été éprouvée et peut être dangereuse, mais son potentiel technique existe", résume David Keith, professeur de science de la Terre à l'Université de Calgary au Canada.

Les options étudiées sont multiples mais l'une des principales consisterait à placer des particules de cuivre ou du sulfate dans la haute atmosphère pour créer un écran réfléchissant les rayons du soleil et par conséquent faire baisser la température.

Les scientifiques se sont inspirés des nuages d'acide sulfurique des éruptions volcaniques, de puissants déflecteurs solaires.

"Nous devrions éviter (....) de nous précipiter (dans cette voie) et prétendre que nous savons réparer la mécanique atmosphérique", a jugé James Fleming, professeur de science à l'Université du Maine. Il souligne que la géo ingénierie n'est par une panacée contre l'accumulation des gaz à effet de serre mais seulement un moyen d'en minimiser les effets.

Et son collègue Martin Bunzl, professeur de climatologie à l'Université Rutgers, met en garde sur la tentation de jouer aux apprentis sorciers en insistant sur les limites des modèles informatiques pour mesurer tous les effets des techniques de géo ingénierie. En agissant sur les nuages, les scientifiques risquent de perturber les précipitations comme la mousson en Asie, a-t-il averti.

Selon lui, le danger est qu'en perturbant ce phénomène météorologique, la production agricole se retrouve chamboulée, affectant jusqu'à 2 milliards de personnes.

Phil Rasch, climatologue au ministère américain de l'Énergie, a affirmé qu'"aucun des chercheurs travaillant aujourd'hui dans la géo ingénierie ne pense que le temps est venu de mettre en pratique cette nouvelle approche". Il a présenté à San Diego une technique, basée sur un modèle informatique, visant à injecter des particules de sel marin dans les nuages pour les rendre plus brillants afin qu'ils réfléchissent davantage les rayons du soleil dans l'espace. "La plupart des chercheurs croient qu'il y a un intérêt à explorer ce champ d'étude pour comprendre son potentiel et ses risques", a poursuivi Phil Rasch. "Nous en savons beaucoup plus aujourd'hui, nos outils de recherche sont bien meilleurs et nous avons une plus grande expérience du système atmosphérique terrestre", a-t-il fait valoir.

Pour Ken Caldeira, de la Carnegie Institution, il est impératif d'investir dans la géo ingénierie qui pourrait bien être le seul moyen dont disposera l'humanité d'ici plusieurs décennies pour refroidir artificiellement une planète devenue trop chaude. "La réduction des émissions de CO2 seule ne va pas entraîner de refroidissement de la Terre au cours de ce siècle, peut-être au-delà", a-t-il estimé.

"Que va-t-on faire si d'ici 20, 30 ou 40 ans, les températures du globe sont trop élevées pour que les récoltes puissent pousser normalement dans les régions tropicales, menaçant de famine des millions de personnes ?", s'est interrogé ce scientifique.

AFP/VNA/CVN

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