Solide comme un rock ?

Entre le rock de Sài Gon d’avant 1975 et le rock de Hô Chi Minh-Ville d'aujourd'hui, le temps s'est écoulé mais l'esprit est resté le même, toujours digne d'admiration du public. Mais le courant est dans la tourmente : les rockers n'ont pas de scène qui leur est propre et ne peuvent vivre de leur musique.

Le rock a fait ses premiers pas à Sài Gon (ancien nom de Hô Chi Minh-Ville) avant 1975, où il a connu un fort développement. À cette époque, il était bien accueilli. Les rockers étaient des pacifistes endurcis épris de liberté, avec des chansons anti-guerre très touchantes.

Pendant les années du Renouveau (après 1986), le rock de Hô Chi Minh-Ville a aussi connu un essor remarquable. Les groupes Da Vàng (Peau jaune), Den Trang (Noir Blanc), Buôi Sang (Le matin), Dai Duong (Océan), Ba Con Mèo (Trois chats), Horizon, Sagometal… ont fait "headbanguer" le public plus d'une fois.

Le rock de Sài Gon réunissait les jeunes adeptes de différentes universités nationales et aussi d'anciens étudiants ayant fait des études à l'étranger, à l'instar de Hô Quang Hung revenu d'Allemagne, Huynh Anh Tuân (France), Hai Dang (Thaïlande), Lê Hông Kim (Australie)... La mégapole du Sud comptait 25 groupes de rock, soit la moitié des groupes de rock du pays. Et ils étaient considérés comme les pionniers du rock vietnamien.

Aujourd'hui, les groupes de rock n'ont pas de complexe à nourrir vis-à-vis de leurs prédécesseurs. Le groupe UnlimiteD par exemple, a su concilier expérience et modernité, bien emmené il est vrai par son chanteur et leader Viêt Thanh, lui-même considéré comme un des premiers rockers du pays. Il a beaucoup contribué au succès du groupe qui a remporté le titre "Superband" lors du Festival national des groupes de musique 2007 organisé par la Télévision de Hô Chi Minh-Ville. Le guitariste d'UnlimiteD, Tuyên Duc, a obtenu le prix consacré... au meilleur guitariste.

Microwave, fondé en 2001, bénéficie aussi d'une certaine notoriété. C'est un vrai groupe de rock dont les membres composent eux-mêmes les chansons, enregistrent leurs créations, produisent les albums et les diffusent. Tim lai (Feel The New Beat), une des créations du groupe, était la chanson la plus demandée en 2006 sur la chaîne radiophonique Xone FM VOV3. Un véritable carton !

UnlimiteD et Microwave ont prouvé que la jeunesse d'aujourd'hui n'avait rien à envier à leurs illustres aînés de Da Vàng ou de Den Trang. Les rockers vietnamiens sont pleins d'audace, leurs chansons traitent des problèmes de la vie, des fléaux sociaux (drogue, prostitution…). "Mais pour le développement de notre courant musical, il nous faudrait une société plus ouverte et qui se penche plus sur la jeunesse", estime Hô Quang Hung, un rocker qui a fait ses classes dans la mégapole du Sud.

Actuellement, les groupes de rock ne sont pas de tout repos. Les rockers n'ont pas de scène qui leur est propre. Depuis 1986, si le marché économique national a connu des bouleversements énormes, le marché de la musique enregistre peu de changements. Il n'y a quasiment pas de programmes, et encore moins de spectacles consacrés exclusivement au rock. Les jeunes groupes de Hô Chi Minh-Ville sont donc confrontés à cette question : Comment, dans ces conditions, vivre de la musique ?

Pas si sûr...

Ngoc Linh, un des deux fondateurs du groupe Microwave, a pris la décision de quitter le groupe pour travailler dans une compagnie pétrolière à Vung Tàu (Sud). "Mon travail actuel n'a rien à voir avec la musique", dit Ngoc Linh, avec une certaine amertume. En dépit de l'absence de ce pilier, Microwave fait partie des rares bandes de rockers à être parfois invitées à se produire sur scène lors des événements importants réunissant une foule de jeunes.

La jeunesse représente une grande partie de la population. Malheureusement, elle ne constitue pas une bonne cible au regard des sponsors et des entreprises commerciales. Les chansons de rock attirent toujours un grand nombre de fans, mais ces derniers préfèrent écouter la musique gratuitement sur le Net ou acheter les billets très bon marché réservés aux étudiants. On ne peut pas leur en vouloir, sachant que les jeunes vietnamiens appartiennent à la classe la plus démunie du pays. Mais l'on comprend facilement, dès lors, pourquoi les groupes de rock, idoles de la jeunesse, se dissolvent ainsi plus rapidement qu'il n'en faut pour l'écrire... En effet, les jeunes ne parviennent pas à "nourrir" leurs idoles. La plupart des groupes de rock se convertissent donc vers d'autres styles de musique. Ils accompagnent les chanteurs de pop, ou bien gagnent leur vie en travaillant pour les cabarets, hôtels et autres restaurants.

Lê Hông Kim Lân, patron du cabaret Yoko, porte le doux sobriquet de "bienfaiteur des rockers", car il aide des dizaines de groupes de rock à se produire chaque semaine. "Les groupes de rock composent eux-mêmes leurs chansons et les interprètent directement. Ils sont toujours sincères devant le public, mais ils n'attirent pas autant de spectateurs que certains chanteurs dont la voix est médiocre mais qui savent inventer des scandales et s'en servir pour se faire une réputation...", dit avec regret Lê Hông Kim Lân. Au Yoko, les groupes de rock changent chaque soir. Mais certains jours, la clientèle se fait attendre.

"Se produire sur les petites scènes comme les cabarets est fatiguant et mal rémunéré, entre 300.000 et 500.000 dông par soirée", fait savoir Tiên Trung, batteur. Les groupes de rock connus de la ville doivent travailler d'arrache pied pour pouvoir jouer trois ou quatre fois chaque semaine dans les cabarets ou cafés...

Les cafés et les cabarets, équipés de matériel audio sommaire et qui accueillent un nombre restreint de spectateurs, et une ambiance assez calme ne sont pas des scènes idéales pour le rock, convenons-en. L'essence du rock réside dans sa ferveur, son engagement et le déchaî- nement des foules qu'il entraîne. Les rockers aiment par-dessous tout communier avec leur public. On en est encore bien loin au Vietnam, et il est très difficile pour ces artistes de se faire la place qui devrait être la leur dans la vie musicale du pays.

Hoàng Hoa/CVN

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