La période de sécheresse et d’intrusion saline dans le delta du Mékong est arrivée cette année un mois plus tôt que d’habitude. |
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En montrant sa parcelle de 0,7 ha de rizières couverte de fentes de dessiccation, où les semis sont desséchés, Phan Thi Hiên, 50 ans, soupire : "C’est une parcelle que ma famille a louée, où elle a versé d’énormes fonds et d’efforts. À cause de cette sécheresse, on ne gagnera rien". Cette femme domiciliée dans la commune de Binh Thanh, district de Giông Trôm, province de Bên Tre, a dû louer ses bras pour récolter les melons dans une ferme voisine en vue de gagner un peu d’argent et subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.
La situation de Lê Van Hùng, 57 ans, habitant dans la même commune, est identique.
Comme de nombreux autres paysans de cette province du delta, la sécheresse et l’instruction saline lui causent bien des soucis. "Mon 1,2 ha de rizières est perdu. Quant à mon verger de pamplemoussiers, je dois éliminer tous les jeunes fruits depuis un mois dans l’espoir de sauver les arbres", explique tristement le paysan.
Salinité élevée et eau douce rare
En plus de Bên Tre, d’autres provinces du delta sont confrontées au phénomène d’intrusion saline et à la pénurie d’eau. À Bac Liêu, Huynh Muoi Hai, dans la commune de Phong Tân, a déclaré que plus d’un ha de rizières d’hiver-printemps de sa famille risquait de péricliter en raison du manque d’eau. En cette période, les rizières de sa commune en ont besoin d’un important volume. Mais, les canaux seront bientôt à sec.
D’après le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, la période de sécheresse et d’intrusion saline dans le delta du Mékong est arrivée cette année un mois plus tôt que d’habitude. De plus, elle risque de dépasser le pic historique de 2016 où 60.0000 personnes avaient souffert d’une grave pénurie d’eau, où 160.000 ha de terres arables avaient subi la salinisation, causant plus de 5.500 milliards de dôngs de pertes.
"Vu l’état actuel, on peut affirmer que la salinisation est plus féroce cette année et que la sécheresse pourrait être plus forte qu’en 2016 où la salinisation avait connu un record. En cause une saison des pluies s’achevant tôt entraînant 55-66% de baisse de la pluviosité et donc des crues moins abondantes", analyse le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Nguyên Xuân Cuong, lors d’une mission d’inspection dans la région tenue en février. Au dire d’experts, le débit du Mékong vers le delta a connu une baisse considérable par rapport à la moyenne annuelle.
Des données du ministère de l’Agriculture et du Développement rural ont montré qu’à la mi-février environ 80.000 familles des provinces de Soc Trang, Cà Mau, Bên Tre, Bac Liêu avaient des difficultés dans l’accès à l’eau douce.
Selon les prévisions, du 7 au 15 mars, l’intrusion saline atteindrait un niveau élevé. L’eau à 4‰ de taux de salinité pénétrera d’environ 80 km à l’intérieur des terres, soit 5 km de plus qu’à la mi-février. Dans les bassins des rivières Vam Co et Cai Lon, les incursions d’eau salée continueront jusqu’à fin avril.
"Pendant la sécheresse record de 2016, l’eau d’environ 2‰ de salinité avait atteint les terres de la ville de Cân Tho à l’époque des vives-eaux de février. Cette année, début janvier, la salinité est déjà de 3,5‰, observe Ky Quang Vinh, ancien chef du Bureau du changement climatique de Cân Tho. Il y aura une ou deux périodes de vives-eaux. Si la salinité continue à augmenter fortement lors de ces marées, la ville devra faire attention à la préservation des sources d’eau douce pour la vie quotidienne de la population et d’eau d’irrigation pour les cultures".
Plus de 32.000 ha de rizières touchés
La sécheresse et l’intrusion saline menacent la production rizicole d’une grande partie du delta du Mékong. |
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La sécheresse précoce et l’intrusion saline ont gravement affecté la production agricole et la vie quotidienne des habitants du delta du Mékong. Des données du ministère de l’Agriculture et du Développement rural ont montré qu’à la mi-février, plus de 32.000 ha de rizières ont été perdus.
Dans la province de Soc Trang, l’intrusion saline est survenue plus tôt que les autres localités du delta en raison de sa proximité avec la mer et l’estuaire du fleuve Hâu (bras postérieur du Mékong). La salinité y est supérieure à la moyenne de nombreuses années. À la station de mesure de Long Phu, elle atteint 6,9‰, à Dai Ngai 11,3‰ (+0,3 point par rapport à 2016) et à An Lac Tây 7‰ (+2,2 points). L’eau saline a pénétré de 40-55 km à l’intérieur des terres contre 10-15 km en 2016.
Long Phu et Trân Dê sont les deux districts les plus frappés. "Long Phu recense plus de 1.500 ha de rizières d’hiver-printemps menacés", prévient Trân Tri Dung,
vice-président du Comité populaire du district.
À An Giang, la sécheresse pourrait affecter plus de 9.300 ha de terres agricoles dans des localités telles que Tri Tôn, Tinh Biên et Phu Tân, Châu Dôc, Tân Châu.
l’intrusion saline atteindrait un niveau élevé
dans le delta du Mékong
À la mi-février, la province de Cà Mau a enregistré plus de 16.500 ha de rizières-étangs de crevettes endommagés par l’eau salée, sans compter 24.000 ha de rizières souffrant du manque d’eau. La sécheresse a endommagé certaines régions de riz d’hiver-printemps de la province de Kiên Giang. Dans le district de Vinh Thuân, environ 1.500 ha de rizières sont menacés, affectant la production qui chuterait de 30% à 70%.
À Bac Liêu, si l’intrusion saline se poursuit, une vaste région de crevetticulture, estimée à 5.000 ha, sera sinistrée. Les étangs verraient leur salinité atteindre 25‰, dépassant le seuil autorisé pour les crevettes. De plus, la température moyenne pendant ces mois de la saison sèche est supérieure à la moyenne de nombreuses années, ce qui est nocif à l’élevage des crevettes.
Face à cette situation, l’Institut des sciences de l’hydrologie du Sud prévoit un nouveau record de salinisation. Les localités du delta sont donc appelées à prendre les mesures nécessaires pour faire face au mieux à ce scénario catastrophe.
Le delta du Mékong représente 12% de la superficie du pays et 19% de la population nationale. C’est également le plus grand centre de production agricole du Vietnam, avec 95% du volume des exportations nationales de riz et 60% de celui de poissons.
Linh Thao/CVN