Quand la barrière de la langue vous met dos au mur

Voilà déjà deux mois que je suis installée à Hanoi, et mon adaptation va bon train. Mais chaque jour demeure une nouvelle aventure d’incompréhension linguistique, doublée d’un brin d’incompréhension culturelle. Morceaux choisis.

Pas plus tard que samedi dernier, me voilà partie prendre un taxi pour rejoindre le centre-ville. Mais le chauffeur ne parlait pas un mot d’anglais. Nous avançons vers l’adresse en question, avec toujours cette petite appréhension : va-t-il y aller direct, ou a-t-il l’intention de prendre les chemins vicinaux pour faire gonfler la facture ? Un touriste se laisse facilement embobiner par ce genre d'entourloupe. Car il ne connaît pas la ville. Ça aurait dû être plus difficile avec moi qui commence à bien me repérer dans les artères principales. Que nenni. Car sans quelques rudiments de vietnamien en poche, je suis comme tout étranger qui sort de l’avion. Nous arrivons donc vers le lac Hoàn Kiêm. Nous aurions dû tourner à gauche de suite. Mais le chauffeur en a décidé autrement. Le voilà qui commence à faire le tour du lac pour finalement rejoindre une rue accessible dès le départ. 20.000 dôngs de perdus. Parce que «left» évidemment, ça ne marche pas. Et ça l’arrangeait bien. Il m’a fallu cette mésaventure pour apprendre les quelques mots que j’avais pourtant déjà noté il y a plusieurs semaines dans mon calepin magique : à droite (re phai, prononcer zé phaï), à gauche (re trái, prononcer zé tchaï), et tout droit (đi thang), en vietnamien. Au moins la prochaine fois, je m’exprimerai ! Et vous aussi !

Quelques mots de vietnamien vous seront nécessaires pour bien négocier avec un moto-taxi.

Autre jour. Autre aventure. Toujours avec un taxi, mais en moto cette fois. Comme chaque soir en rentrant du bureau, je prends donc mon xe ôm du coin de la rue. Généralement, c’est le même à chaque carrefour de chacune des encablures de la ville. Ici, ils tournent à trois ou quatre chauffeurs. Va savoir pourquoi. Peu importe. Celui-ci, je le connais. J’ai déjà négocié mes 30.000 dôngs à plusieurs reprises sans le moindre petit accroc. Ce soir, donc, une nouvelle fois, je ne négocie pas. Grave erreur. Lui est bien moins réglo que mes autres habitués. Il me demande 40.000 dôngs à l’arrivée. Hausser le ton n’y fera rien. Incapable de lui expliquer que la dernière fois, il m’avait fait payer moins cher. Je dois régler ça avec ma jeune professeur de vietnamien au plus vite !

Au restaurant, gare aux surprises

Ma prochaine mésaventure se passe au restaurant. Je demande une vodka orange. En France, c’est très courant. Mais ici, la vodka se consomme en shooter et pur. Et les filles n’en boivent pas. Impossible d’envisager ce mélange. Je prends donc commande, munie de mon modeste petit dictionnaire de conversation courante (vodka và nuoc cam). Le serveur me demande si je veux des glaçons (đá), je dis non. Et le voilà qui me ramène un verre de jus d’orange presque chaud ! J’avais pourtant bien précisé vodka... et il avait acquiescé... donc soit il avait fait semblant de comprendre, soit il avait décidé que je ne boirai pas d’alcool, puisque je suis une femme. Je me demande encore où le message n’est pas passé ! Quant à l’orange, elle a certainement dû rester au soleil toute la journée. Toutefois, dans mon esprit cartésien, chacun en jugera, s’il n’y a pas de glaçons, ça doit quand même être frais !

Les petits taxis sont moins chers mais parlent rarement l’anglais.

Retour avec mon xe ôm. Mon habituel pour quitter la maison cette fois. Et là, j’étais bien gêné de ne pas parler vietnamien. Ce petit papi septuagénaire m’emmène chaque matin à la même heure ou presque. Mais ce jour-là, silence radio. J’en prends donc un autre. Et voilà que le lendemain, il me tend un petit mot griffonné en vietnamien, avec un numéro de téléphone. Je balbutie alors avec mes rudiments de vietnamien que je ne le parle pas, mais reste méfiante quand au contenu de ces mystérieuses lignes. Après une traduction somme toute nécessaire auprès d’une amie vietnamienne bien moins empotée que moi avec les langues étrangères, il s’avère qu’il s’excusait de n’avoir pu être là car il mangeait chez des amis. Me signifiant à demi-mot que je pouvais compter sur lui à l’avenir, simplement en l’appelant. Mais la tâche va s’avérer bien complexe vu mon niveau pour le moins désastreux ! Et me voilà. En train de lui répéter toujours les mêmes bonjours et les mêmes mercis. Comme un robot mal réglé. Même chose avec mon propriétaire avec qui je ne parle qu’en gestes et onomatopées...

Et je vous passe la fois où, l’incident a dû arriver à tout bon étranger, j’ai demandé un plat de viande avec des légumes, et on m’a servi un pho, les mêmes ingrédients mais dans une soupe. Car la différence se situe à un mot près, il faut préciser sauté (pho xào, prononcer feu sao), et arriver à l’énoncer correctement. Sinon, on pourrait comprendre "rue d'hirondelle" !

Pensez-y !

Ces petites anicroches de la vie quotidienne devraient s’estomper avec les cours hebdomadaires que je suis depuis un mois. Quelques idées de lieux pour progresser : l’Université des sciences sociales et humaines de Hanoi, dans le quartier de Ta Quang Buu, qui dispense des cours de tous niveaux en anglais, l’Espace français, qui donne des cours par sessions, ou le bar Le Puku, où des étudiantes vietnamiennes donnent des leçons gratuites chaque mercredi soir. Vous pouvez aussi opter pour la solution de l’échange de bons procédés avec un jeune novice en français. Une solution que j’aimerais adopter dès que possible.

«L’âme d’un peuple vit dans sa langue», c’est ce que Goethe disait. Le vietnamien est à l’image de son pays, paradoxal, complexe et simple à la fois. Difficile à saisir mais si précieuse pour progresser. J’en apprends tous les jours sur la culture et la pensée vietnamienne, mais dans un an, mon adaptation sera peut-être un peu plus réussie.

Texte et photos :

Eloïse Levesque/CVN

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