Ce qu’est le Têt pour les Vietnamiens d’outre-mer

Quand revient le Têt (Nouvel An lunaire), fête traditionnelle sacrée des Vietnamiens, les Vietnamiens d’outre-mer notamment ceux dépassant le cap de la soixantaine ressentent une vive nostalgie du pays d’origine. À l’écoute de leurs confidences !

Chaque année à l’occasion du Têt traditionnel, nombreux Vietnamiens de l’étranger reviennent assister au programme «Printemps au pays natal» au Vietnam.
Photo : Nguyên Khang/VNA/CVN

À l’approche du Têt, j’ai reçu une lettre qui m’a beaucoup ému. Son auteur, qui habite en Allemagne avec son mari allemand, est une Vietnamienne de père français et de mère vietnamienne. Voici ce qu’elle m’a écrit :

«Depuis des années que j’essaie de trouver un livre décrivant la culture vietnamienne en détail et on m’a conseillé votre livre. J’habite l’Allemagne et afin de pouvoir l’acquérir, j’ai pris l’initiative de me rendre au Vietnam. Chose faite et j’ai pu par la même occasion faire connaître le Vietnam à mon mari qui est Allemand. Il a toujours vu les reportages et connaît notre pays que par la lecture. Je suis heureuse de posséder votre livre À la découverte de la culture vietnamienne, que je garde précieusement. Je refuse de le prêter à quiconque, car je ne veux pas le perdre.

Je suis née à Saigon en 1945. Je suis Eurasienne, et en 1958, j’ai quitté Saigon pour Paris où j’ai fait toutes mes études. Je parle encore le vietnamien, et tout le monde est étonné que je puisse encore parler cette langue. Oui, je suis contente et fière de pouvoir encore parler le vietnamien, langue du pays où je suis née. Maman était elle aussi, Eurasienne. Elle est née en 1908 à Nam Lan et a vécu à Saigon jusqu’en 1962. Elle a été élevée chez les soeurs de la province de Soc Trang, et à cette époque, on est ami pour la vie et toutes ces amies nous les appelions tata Colette, tata Aline.

J’ai connu cette gentillesse sincère de l’époque de maman. À notre époque, elle est devenue rare. Il ne me reste que quelques amies d’enfance du Vietnam qui ont gardé cette coutume. Nos parents et la plupart des tatas ont quitté ce monde. La gentillesse d’autrefois nous manque. Dès que j’aurai l’occasion de me rendre de nouveau au Vietnam, puis-je vous rencontrer ? Vous faites partie des Vietnamiens de l’époque de maman. Je suis sûre que je retrouverai en vous la gentillesse d’autrefois que je recherche. Je parle souvent du passé, avec mes amies du Vietnam.

Mon amie d’enfance et moi même, nous avions l’intention de nous rendre au Vietnam et d’essayer de mieux connaître la culture vietnamienne et surtout d’essayer de rencontrer les anciens afin de pouvoir un peu parler du passé. J’aimerai écrire mes souvenirs d’enfance au Vietnam. Ma marraine Mme Perrucca était professeur de mathématiques à Hanoi. Avez-vous eu l’occasion de l’avoir eu comme Prof ? Mme Azambe, grande amie de maman, a quitté Saigon dans les années 1954 ou 1953. Je me souviendrai toujours le jour où le couple était venu pour nous dire adieu, larmes aux yeux. J’étais petite, mais on ne peut oublier cet adieu si émouvant. J’aimerai me rendre au Vietnam de nouveau, pourrais-je avoir l’honneur de vous rencontrer dans mon prochain voyage ? Et pouvoir parler du bon vieux temps. Nous, les Eurasiennes, nous ne pouvons pas oublier ce magnifique pays.

En attendant le plaisir de vous connaître, car je cherche à me procurer un billet d’avion assez bon marché, afin de revenir pour vous voir. Si Dieu le veut, je viendrai de nouveau, mais sans oublier de passer vous dire un bonjour.

En attendant le plaisir de vous rencontrer, je vous présente mes sincères respects».

Le ton de la lettre de Mme H.D révèle l’état d’esprit des Vietnamiens de sa génération qui ont quitté le pays pendant ou quelque temps après les deux guerres d’Indochine.

Plus de quatre millions de Viêt kiêu

On comptait en 2010 plus de quatre millions de Vietnamiens éparpillés de par le monde : 1,8 mil- lion aux États-Unis (groupe majoritaire), 250.000 en France, 175.000 en Australie, 150.000 au Canada, 120.000-200.000 à Taïwan (Chine), 80.000 en Allemagne, 80.000-100.000 en Russie, 200.000 en Ukraine, 13.000 au Japon... Avant 1975, le contingent d’expatriés se chiffrait à 100.000, établis surtout dans les pays voisins (Thaïlande, Laos, Cambodge, Chine) et en France (soldats et ouvriers mobilisés par le métropole). La masse de migrants provient des boat-people et des personnes parties entre 1978 et 1980, c’est-à dire il y a 30 ans et plus.

Ces Vietnamiens d’outre-mer qui ont franchi en général le cap de la soixantaine éprouvent la même nostalgie que Mme H-D. Ces regrets remontent à chaque printemps quand revient le Têt, fête traditionnelle sacrée des Vietnamiens.

Point n’est étonnant qu’à cette occasion, des lignes aériennes à l’étranger organisent des vols spéciaux à destination de Hanoi et de Hô Chi Minh-Ville. Une revue de la presse vietnamienne du Têt dans plusieurs capitales du monde est révélatrice de ce «mal du pays» vietnamien.

Typique à cet égard est la confidence faite par Mai Lâm d’Allemagne : «Rentrer ou ne pas rentrer au pays au Têt ? – Depuis plus d’un mois, cette question se pose et se repose chaque fois que nous, les Vietnamiens, nous nous rencontrons ou parlons au téléphone... Celui qui a la possibilité de revenir le dit sans cacher sa joie. Dans le cas contraire, on répond avec un soupir de tristesse... Qu’est ce que c’est que le Têt ? Où va-t-on le fêter ? Est-ce vrai que le vrai Têt ne peut être trouvé qu’au pays natal ?»

Nostalgie du pays natal

L’éditorial d’une revue du Têt publiée par des Vietnamiens de Budapest écrit : «Notre fête printanière qui approche rend plus lancinante notre nostalgie du pays natal, de la famille et des amis».

Il fait revenir au pays pour se prosterner devant l’autel des ancêtres et visiter les tombeaux des disparus. C’est la famille qui préoccupe le plus les Vietnamiens d’outre-mer. Ils envoient chaque année à leurs familles des sommes, mises de côté à force d’économie, de plus en plus importantes, qui se sont chiffrées à 6,2 milliards de dollars en 2004, 8,1 milliards en 2011, soit 8% du PIB national.

De New York, M.Duong écrit à ses parents de Hanoi : «Je décide de revenir à Hanoi avec ma femme, ayant rassemblé assez d’argent pour le voyage. À l’occasion du Têt pour apaiser notre soif du pays. Mais je n’ai pu réaliser mon projet. Nous sommes des exilés dont la jeunesse était liée aux êtres et aux choses du patelin. Papa et maman, vous êtes toujours notre appui moral en terre étrangère... Ô maman, je voudrais avoir assez de mots pour écrire sur l’immensité de l’amour maternel vietnamien».

Le Têt au Vietnam abonde en ces petits riens qui font un Têt irremplaçable : le crachin qui tombe sur les fleurs roses de pêcher, les vendeuses de chrysanthèmes à joues roses, l’attente familiale à minuit du passage à l’An Neuf où Ciel, Terre et Homme entrent en communion, la cueillette de rameaux porte-bonheur, les baguettes d’encens plantées sur l’autel des ancêtres….

Les regrets nostalgiques des Viêt kiêu s’expriment souvent en vers. Tous les Vietnamiens aiment la poésie et savent rimer. Il y a deux décennies, des Viêt kiêu d’Amérique, aujourd’hui septuagénaires ou octogénaires, ont fondé l’Amicale des anciens élèves des Lycées de Nam Dinh-Yên Mô... (Vietnam). Ses membres se réunissent chaque année au Têt et publient un recueil d’articles consacrés au pays natal. Nous pouvons y relever nombre du poème dépeignant le chagrin de vivre loin du pays.

En voici un exemple :

La pluie sème ses gouttes sur les branches d’arbre

Dans le silence désertique, mon âme erre on ne sait où.

Le pays natal est à l’autre bout du monde,

Lourd est mon coeur, sans bornes ma peine...

Huu Ngoc/CVN

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