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Des militaires livrent des kits électoraux à un bureau de vote à Quito, le 10 avril, à la veille du scrutin présidentiel. |
Le socialiste Andrés Arauz, un quasi inconnu de 36 ans, mais adoubé par Correa - figure de la gauche latino-américaine qui a dirigé l'Équateur pendant dix ans - affronte Guillermo Lasso, un vétéran conservateur de 65 ans, aspirant pour la troisième fois à la présidence. Le vainqueur succèdera à l'impopulaire Lenin Moreno, qui achèvera son mandat de quatre ans le 24 mai dans ce petit pays de 17,4 millions d'habitants, affecté par la chute des cours du pétrole.
L'économie dollarisée a terminé 2020 par une contraction de 7,8% du PIB. La dette atteint 63,88 milliards de dollars (63% du PIB), dont 45,19 milliards (45% du PIB) en externe. Avec quelque 340.000 cas de Covid-19, dont plus de 17.000 morts, l'Equateur est en outre très touché par la pandémie, qui a submergé son secteur hospitalier.
Le candidat de la coalition Union pour l'espérance (Unes, gauche), qui parie sur la social-démocratie, est arrivé en tête du premier tour du 7 février avec 32,72% des voix, contre 19,74% à son rival du mouvement Créer des opportunités (Creo, droite), adepte du libre-échange.
Duel serré à l'issue incertaine
Ces résultats ont été contestés par Yaku Pérez, avocat indigène de gauche qui a manqué de peu son passage au second tour, à seulement 0,35% derrière Lasso. Sur fond de polarisation entre corréistes et anti-corréistes, le vote des amérindiens devrait peser. S'ils ne représentent que 7% de la population, ils constituent une force sociale redoutée.
Les indigènes ont mené les violentes manifestations de 2019, contre l'austérité imposée par le Fonds monétaire international (FMI), qui ont fait 11 morts et plus de 1.300 blessés. Par le passé, ils ont contribué à renverser trois présidents entre 1997 et 2005. Et c'est la première fois qu'un des leurs parvenait aussi loin dans une présidentielle. Mais le parti Pachakutik, deuxième force parlementaire depuis les législatives de février, s'est démarqué des finalistes, appelant à voter nul.Les autochtones sont néanmoins divisés et "ce ne sera pas un vote homogène", a déclaré à l'AFP Wendy Reyes, professeure à l'université de Washington. Le doute plane donc sur le choix que vont faire les 19,39% de votants de Pérez, alors que les sondages annoncent un duel serré. Certains ont donné jusqu'à dix points d'avance à Arauz. D'autres le créditaient de 48% contre 52% à Lasso, qui est remonté en fin de campagne.
Le directeur de l'institut Market, Blasco Peñaherrera, présage d'un second tour "totalement incertain", soulignant une hausse aussi du "nombre d'indécis à 15%" ce qui "peut faire varier" le résultat final. Deux modèles sont en jeu, entre le retour du socialisme et l'accentuation du virage à droite, initié par Moreno, qui s'est rapproché du patronat et des organismes financiers, au grand dam de son prédécesseur Correa qui l'avait initialement parrainé.Gouvernance difficileL'ex-président, qui a modernisé l'Équateur grâce à la manne pétrolière, vit en Belgique, pays de son épouse, depuis son départ du pouvoir en 2017. S'il reste populaire, ce dont profite son poulain, son tempérament polémique et les scandales de pots-de-vin éclaboussant son gouvernement lui portent préjudice. En 2020, il a été condamné par contumace à huit ans de prison pour corruption, ce qui l'a empêché de viser la vice-présidence.Si Arauz l'emporte, "le premier point à l'agenda du gouvernement sera le retour de Correa", estime le politologue Santiago Basabe, de la Faculté latino-américaine de sciences sociales (Flacso). Son jeune dauphin se défend toutefois d'être une marionnette. "Nous aurons une relation très dynamique, très profitable pour le pays (...) mais celui qui gouvernera, ce sera moi!", a-t-il affirmé à l'AFP. Afin de redresser le pays, il veut "renégocier l'accord" avec le FMI, signé en échange d'un prêt de 6,5 milliards de dollars.De son côté, Lasso entend relancer l'économie par un développement des échanges et vise un "déficit zéro pour ne pas aggraver la dette". Mais s'il gagne, le conservateur devra composer avec une forte opposition: sans atteindre la majorité, l'Unes s'est imposée comme premier groupe au parlement monocaméral. Cela laisse craindre "une tension permanente avec l'exécutif", selon le politologue de la Flacso.Pour l'analyste Oswaldo Moreno, quel que soit le vainqueur, il devra "se concerter avec de nombreux acteurs", a fortiori en cas d'un vote nul important qui "légitimerait de futures manifestations" affectant "la gouvernance du prochain président".
AFP/VNA/CVN