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La Commission européenne s'apprête à présenter la semaine prochaine ses propositions pour mieux taxer les géants du numérique. |
Selon un document dont l'AFP a obtenu copie jeudi 15 mars et encore sujet à des ajustements, l'exécutif européen préconise dans un premier temps de taxer entre 2% et 5% les revenus (et non les profits) générés par l'exploitation d'activités numériques.
Ce projet ne vise que les grands groupes (au chiffre d'affaires annuels supérieurs à 750 millions d'euros) et non les PME. En clair, les petites start-up européennes qui peinent déjà à rivaliser avec les mastodontes américains comme Google et Apple ne seront pas concernées par cet impôt indirect.
Dans son collimateur en revanche, les recettes publicitaires tirées des données de leurs utilisateurs - le modèle de Facebook, Google ou Twitter- ou les revenus provenant de la mise en relation d'internautes pour un service donné -celui d'Airbnb ou Uber.
Les entreprises, dont le "business model" repose sur les abonnements, telles Netflix, pourraient ne pas être touchées par cette taxe, a précisé à l'AFP une source proche du dossier.
Cette proposition, qui sera dévoilée mercredi par le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici est annoncée alors que l'OCDE présente vendredi un pré-rapport sur la taxation des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon), suivi d'un rapport plus détaillé à l'occasion de la réunion des ministres des Finances du G20 en avril à Washington.
Or, pour la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni, les cinq membres du G20 appartenant à l'UE, les choses ne vont pas assez vite au niveau international. Ils poussent donc pour une solution d'abord européenne, afin de donner l'exemple au reste du monde.
La question sera d'ailleurs à l'ordre du jour du sommet européen des chefs d'État et de gouvernement en fin de semaine prochaine à Bruxelles.
Reste à savoir si ces grands pays de l'Union européenne (UE) parviendront à convaincre les plus petits tels que l'Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg, connus pour leur fiscalité avantageuse vis-à-vis des entreprises. Dans l'Union en effet, toute réforme sur la fiscalité requiert l'unanimité.
"Pierre philosophale"
Outre cette mesure "ciblée" de taxation du chiffre d'affaires des entreprises numériques, M. Moscovici a indiqué, lors d'une conférence de presse mercredi 14 mars à Strasbourg (est de la France), vouloir proposer "une approche plus structurelle" qui prendra le relais de cette première proposition de "court terme".
Il s'agirait alors d'intégrer le dossier de la taxation des Gafa dans un projet datant de 2011 -pendant longtemps dans l'impasse en raison de divergences entre les 28 pays de l'UE - que la Commission européenne a relancé en octobre 2016 : celui d'une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS).
Concrètement, ce projet ACCIS propose qu'il n'y ait plus qu'un seul lieu d'imposition : un seul contact avec une administration fiscale pour toutes les multinationales ayant une activité dans l'UE et dont le chiffre d'affaires consolidé total est supérieur à 750 millions d'euros.
Toutefois, cet impôt serait réparti dans tous les pays où la société exerce une activité, non pas en fonction des résultats des filiales dans chacun de ces États mais en fonction du niveau de l'activité.
Ce niveau d'activité étant mesuré dans chaque État membre à l'aide d'une combinaison de trois critères: les effectifs du personnel de la filiale, l'importance des actifs tangibles (bâtiments, machines, etc.) et le volume des ventes.
À ces trois critères, s'ajouterait un quatrième, qui concerne spécifiquement les géants du net, comme l'a suggéré l'eurodéputé français Alain Lamassoure (PPE, droite): le volume des données personnelles numériques collectées et exploitées partout où les services des entreprises sont utilisés.
"C'est là où se trouve la pierre philosophale pour la fiscalité des entreprises du XXIe siècle", a convenu M. Moscovici.
M. Lamassoure, ancien ministre délégué français au Budget, a d'ailleurs regretté que la Commission européenne ne se concentre pas uniquement sur ACCIS pour taxer les Gafa, plutôt que de poursuivre son projet "courtermiste" de taxation du chiffre d'affaires.
Selon lui, cette première mesure est "une recette de poche éphémère qui ne rapportera que quelques milliards d'euros".
AFP/VNA/CVN