Peste et Choléra de Patrick Deville - biographie romancée d’Alexandre Yersin

qui retrace la vie recluse d’un Alexandre Yersin viscéralement attaché au Vietnam, est une réussite de la littérature française : retenu dans pratiquement toutes les listes finales des prix français en 2012, il a reçu le Prix Femina.

Patrick Deville.

Alexandre Yersin, d’origine suisse, fait partie de ces Français qui ont ouvert les voies de la science moderne. Nous lui devons la découverte du bacille de la peste, qui porte son nom – Yersina pestis – et l’invention du vaccin contre cette épidémie qui ravagea l’humanité. Il est pourtant plus connu au Vietnam qu’en France. Pasteurien de la première heure et grand explorateur, il a tout lâché pour passer la plus grande moitié de sa vie à Nha Trang. Il y a fondé l’Institut Pasteur de Nha Trang, puis est parti à la découverte de ce site naturel qu’est aujourd’hui Dà Lat. C’est lui encore qui a introduit au Vietnam de nombreuses espèces végétales, dont le café, le cacao, l’arbre à quinquina et l’hévéa. Pour les Vietnamiens, il a surtout été un médecin dévoué.

Une formidable aventure scientifique et humaine

S’il existe déjà plusieurs ouvrages sur la vie et l’œuvre d’Alexandre Yersin, Peste et Choléra constitue sa première biographie romancée, dans un style unique, propre à l’auteur. Patrick Deville fait entrer ce grand collaborateur de Pasteur en littérature, en dressant de lui un portrait que personne d’autre n’aurait pu imaginer. On découvre, sous la plume de Deville, un Yersin enthousiaste, chaleureux mais en même temps indifférent, voire insensible dans ses relations avec les autres et avec lui-même. Il apparaît stoïque et froid, peu enclin à la collaboration, mais reste pourtant dans la mémoire locale un homme simple, doux et généreux. C’est ce que les élèves vietnamiens apprennent aujourd’hui à l’école : lors d’une rencontre avec le docteur Alexandre Yersin, une dame vietnamienne fut très étonnée, mais fière, de le voir porter des vêtements simples comme un voyageur de troisième classe alors qu’il aurait pu être dans des vêtements soignés parce que c’est un grand savant. À la question de cette dame : «Avez-vous oublié la France ? Pensez-vous rester ici toute votre vie ?», il répond : «Je suis Français. Je resterai toute ma vie un citoyen français. On ne peut pas vivre sans son pays…. Cependant, vous et moi, nous vivons sous le même toit. La terre est notre véritable maison commune. Les enfants de cette maison doivent s’entraider. Je ne peux pas quitter Nha Trang pour vivre ailleurs. Il n’y a qu’ici que mon âme peut être ouverte et tranquille». Ce qui rend le personnage de Yersin attachant, c’est que ni la gloire ni la fortune n’ont d’importance à ses yeux et qu’il ne saisit pas les chances qui se présentent à lui d’être distingué du commun des mortels. Sa solitude est subtilement décrite par Deville comme une particularité fondamentale de sa personnalité : «Yersin ne voyagera plus. Il a fait le tour du monde… Maintenant il est un arbre. Être arbre c’est une vie, et c’est ne pas bouger. Il atteint à la belle et grande solitude. À l’admirable ennui…». Le roman de Patrick Deville retrace donc la vie d’Alexandre Yersin à la façon d’un biologiste transformé en l’arbre qu’il observe, depuis sa naissance et jusqu’à ce qu’il devienne séculaire en essaimant autour de lui.

Pour raconter cette formidable aventure scientifique et humaine, Patrick Deville a suivi les traces de Yersin autour du monde, a séjourné à Nha Trang, à Hô Chi Minh-Ville en passant par Hanoi et s’est nourri des correspondances entre Yersin et sa mère, sa sœur et ses collègues.

Histoire d’amour entre un Français et le Vietnam

L’installation de Yersin au Vietnam est sans doute son choix : est-il attiré par le cadre, par le contact avec les habitants ou par l’idéal humaniste qu’il peut partager avec les Français progressistes qu’il y rencontre ? Nul ne sait. Mais une fois installé en Indochine, grâce à ses relations privilégiées avec des personnalités comme le gouverneur général Paul Doumer, Auguste Pavie et Albert Calmette, Yersin aurait pu grandement contribuer à l’œuvre du gouvernement colonial s’il n’avait décidé de mener une autre vie.

Il regrette un peu d’avoir découvert Dà Lat ou «d’en avoir indiqué la position à son ami Doumer. Ce plateau, c’est aux peuples des montagnes qu’il fallait le laisser». Deville est très attentif aux relations entre Yersin et les habitants locaux, Yersin étant très attaché à de nombreux jeunes collaborateurs vietnamiens. Nha Trang est désormais devenu son pays : «Yersin demande une petite cérémonie vietnamienne, l’encens et le repas du cinquantième jour, les étendards blancs. On brûlera des papiers votifs, déposera sur l’autel du disparu un bol de riz, un œuf dur, un poulet cuit, un régime de bananes. Il veut être inhumé à Suoi Giao, à mi-chemin de Nha Trang et du Hon Ba, au centre du monde et du domaine. Maintenant tout est en ordre. Il a choisi l’emplacement et l’a délimité. Il a choisi de ramener son royaume de plusieurs dizaines de milliers d’hectares à deux mètres carrés» .

En soutenant la publication de cet ouvrage en vietnamien, nous rendons hommage à Alexandre Yersin, à ses travaux de bactériologiste et à sa découverte du site naturel de ce qui est aujourd’hui Dà Lat. Nous rendons ainsi également hommage à une grande histoire d’amour entre un Français et le Vietnam. Le livre est édité tout à la fois dans le cadre des années croisées France – Vietnam, à l’occasion du 70e anniversaire de la mort de Yersin, et du 120e anniversaire de la création de la ville de Dà Lat.

Patrick Deville, né en 1957, est directeur littéraire de la revue Meet, publication de la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs de Saint-Nazaire. Il a publié à ce jour plus d’une dizaine d’ouvrages, traduits en une douzaine de langues :
• 1987 : Cordon-bleu
• 1988 : Longue Vue (publié en vietnamien en novembre 2013
par la Compagnie d’édition Nha Nam)
• 1992 : Le Feu d’artifice
• 1995 : La Femme parfaite
• 2000 : Ces deux-là
• 2004 : Pura vida
• 2006 : La Tentation des armes à feu
• 2009 : Equatoria
• 2011 : Kampuchéa (élu meilleur roman français 2011 par la rédaction
du magazine Lire)
• 2011 : Vie et mort sainte Tina l’exilée
• 2012 : Peste et Choléra (Prix Femina 2012, dernière sélection du prix
Goncourt, et Prix des prix littéraires 2012, Prix du roman Fnac)

Eva Nguyen Binh/CVN

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