Tandis que le gingembre, à la saveur agréable, fait figure de condiment noble, l’ail, bien qu’indispensable à certains plats, est considéré par les palais délicats comme un ingrédient répugnant à cause de son goût. À Huê, après avoir goûté à un plat assaisonné d’ail, on mâche des cacahuètes ou se rince la bouche avec une gorgée de thé, ce afin d’en chasser l’odeur. Ce n’est pas bien décent d’entrer dans la pagode ou au bureau, de parler aux autres surtout de donner un baiser avec son haleine parfumée à l’ail.
Le gingembre est une espèce de plantes originaire d'Asie. |
Le gingembre aux usages différents
Le gingembre est une herbe vivace cultivée dans les régions tropicales. Haute de 0,50 à 0,80 m, il a un rhizome globuleux, à la saveur piquante, rampant horizontalement. Ses feuilles sont alternes. Les fleurs blanches sont bordées de pourpre. Le rhizome récolté en hiver est utilisé à l’état frais ou séché.
Dans la médecine traditionnelle, le gingembre est un ingrédient d’un usage courant. Il est antibactérien et stomachique. Il est efficace contre la gastralgie, les nausées, la diarrhée, la dysenterie, la grippe, le pouls faible, la laryngite, le rhumatisme. Il est employé sous forme de décoctions de poudre, de pilules ou d’élixir.
L’emploi du gingembre est très répandu dans les recettes populaires. Le gingembre frais (dit Sinh khương en médecine traditionnelle vietnamienne), aide la digestion, traite les maux de ventre dus au froid. Le gingembre séché (Can khương) guérit la diarrhée, l’indigestion. Le gingembre enveloppé dans une touffe de cheveux embrouillés, imbibée d’alcool sert dans la friction contre le rhume (selon la croyance populaire, c’est đánh gió ou đánh cảm, chasser un coup vent nocif, le rhume).
On utilise le rhizome en cuisine et en médecine traditionnelle. |
Photo : Bùi Phuong/CVN |
Comme condiment, le gingembre accompagne de nombreux plats, surtout le poisson, les fruits de mer, le bœuf, les viandes à saveur forte. Il entre dans la composition des ragoûts de poisson, de bœuf, de poulet, du potage de poulet aux courges, du bouillon d’ananas avec porc au bœuf, du bouillon de liseron d’eau avec sauce de soja, du bœuf frit ou ébouillanté, des sauces (saumure de poisson, sauce de soja), il donne du goût au bœuf grillé ou bouilli. Les feuilles de gingembre accompagnent les plats de poisson et d’escargot cuits à la vapeur. Le gingembre pilé, délayé dans l’eau, sert à déterger les vessies de poisson, la seiche séchée avant la préparation de certains plats. Le gingembre sert aussi à préparer des confitures, des bonbons. Avec l’abricot séché, il donne une pastille pectorale appelée ô mai. Le gingembre donne une liqueur de qualité. Au début du siècle dernier, on appréciait les bánh gừng (gâteaux de gingembre) appelés ainsi à cause de leur forme globuleuse rappelant le rhizome de la plante.
Plusieurs ca dzao (poème-chanson populaire) font allusion au gingembre :
«Mình đi chua ngọt đã từng,
Gừng cay muối mặn xin đừng quên nhau»
(Tu es parti ! Ensemble, nous avons goûté à l’aigre et au doux.
Piquant est le gingembre, salé est le sel, n’oublions pas notre serment).
«Gừng già, gừng rụi, gừng cay
Anh hùng càng cực càng đầy nghĩa nhân»
(Gingembre pilé, écrasé, devient plus piquant,
Plus grande, plus une âme héroïque fait preuve de justice et d’humanité)
Dans la chambre nuptiale, les nouveaux mariés prennent un peu de gingembre et de sel - symbole de l’ardeur d’amour et jurent de ne jamais s’oublier.
L’expression Nói nhát gừng veut dire parler d’une voix entrecoupée (litt : parler en coups de couteau découpant le gingembre en lamelles).
Toute ménagère s’approvisionne en gingembre et ail, condiments qui ne peuvent manquer à certains plats du Nouvel An lunaire. |
L’ail dans la médecine et la croyance populaire
L’ail est une plante vivace monocotylédone de la famille des liliacées dont les bulbes ont une odeur forte et un goût âcre. Il a été utilisé de longue date dans le traitement des furoncles et des diarrhées. L’ail antiseptique est actif contre les maux d’estomac, d’oreille, de nez, l’hémorragie, l’hypertension. Sa racine est utilisée pour étancher la soif, calmer la toux, favoriser la diurèse et abaisser la fièvre. Dans le Vietnam central, on plante l’ail autour du jardin pour arrêter l’accès des serpents, qui, croit-on, ont peur de cette herbe. Dans les années 1980, notre pays a connu une crise économique très grave. La vie était très dure. Les médicaments étaient rares et coûtaient chers. Les vieilles gens, surtout les fonctionnaires retraités, faisaient de l’ail une panacée.
Chaque fois que je venais le voir, mon regretté ami Vo Quang, as de la littérature enfantine, me faisait goûter un peu de vin à l’ail qu’il avait préparé lui-même. Il ne tarissait pas d’éloge sur l’ail, il en prenait une gousse à chaque repas. Comme condiment, l’ail relève le goût et neutralise l’odeur trop forte de poisson et de certaines viandes (chien, serpent,…). Un dicton populaire recommande: «Trâu tỏi bò gừng» (La viande de buffle se mange avec de l’ail, celle de boeuf avec du gingembre). L’ail macéré dans le vinaigre agrémente les rôtis et les bouchées de phở (soupe hanoienne). Le pilon du poulet ayant la forme d’une gousse d’ail est appelé tỏi gà (litt : gousse d’ail du poulet). L’expression Nói hành nói tỏi (litt : parler oignon et ail) veut dire médire.
À l’heure actuelle, au cours des cérémonies en l’honneur de Dionysos, le principal officiant en signe de pénitence marche sur de la braise en tenant un faisceau d’ail. Les bergers des Carpates se frottent la main avec de l’ail, bien persuadés que leur troupeau ne sera pas mordu par les serpents. Les Égyptiens adoraient un Dieu-ail, horreur des serpents.
Malgré ses contributions médicales et culinaires, l’ail est l’objet de la répugnance universelle chez nous. Par contre, il est considéré comme sacré dans d’autres cultures. Dans la Rome antique, les guerriers recevaient une ration d’ail avant le combat, ce qui devait leur insuffler plus de violence.
Les Batak de Bornéo emploient l’ail pour évoquer l’âme des morts. Certaines peuplades croient que l’ail peut combattre les fantômes et les vampires. Dans l’antiquité, en Europe centrale, on croyait aussi que l’ail fait éloigner les serpents. On suspendait au chevet une touffe d’ail. En Grèce, il suffisait de prononcer le mot ail pour éviter tous les malheurs. Dans la région allant de la Méditerranée à l’Inde, on croyait que l’ail aide à éviter les mauvais augures.
Huu Ngoc/CVN