Octogénaire et toujours la palanche sur le dos

Voilà près de 40 ans qu’il porte chaque jour de l’eau du puits ancien aux commerçants de son quartier de Hôi An, pour un pécule modique. Il est aujourd’hui un symbole pour les habitants de l’ancienne cité touristique. Rencontre.

Nguyên Duong à côté de l’ancien puits Ba Lê, à Hôi An.

Il s’appelle Nguyên Duong. Il a 82 ans. À cet âge, il parait bien normal de lever le pied. Mais ce n’est pas son cas. Il doit encore travailler pour nourrir sa femme, également d’âge très avancé, et en mauvaise santé, et son fils unique, atteint d’une maladie mentale. L’octogénaire est ainsi réglé comme une horloge, et se lève chaque matin à 05h00. La palanche sur l’épaule, reliant deux récipients en métal, il se dirige quotidiennement vers l’ancien puits Ba Lê, dans la ville de Hôi An, province de Quang Nam (Centre).

En fonction des commandes des restaurants et des échoppes de riz, spécialités de l’ancienne cité, il livre en eau tous ceux qui ont besoin de ses services. De quoi se forger un petit pécule journalier, suffisant pour subvenir aux besoins de sa famille dans des conditions toutefois précaires.

Nous nous sommes rendus dans sa modeste demeure. Un petit 25 m² dans une ruelle. Sa maison est à environ 50 m de l’ancien puits Ba Lê. Les habitants ne sont plus étonnés de voir notre bonhomme se prêter à ce rituel. «Auparavant, il faisait ce travail avec sa femme et son fils, quand leur santé le leur permettaient encore», raconte l’une de ses voisines.

Un chemin semé d’embuches

De retour de l’une de ses tournées, il nous raconte le parcours qui l’a mené au métier. Et bien qu’il soit désormais presque édenté, le vieillard a gardé le sourire et est toujours robuste.

Nguyên Duong est véritablement un des symboles de l’ancienne cité touristique de Hôi An.

Originaire de Hôi An, il s’est marié avec Nguyên Thi My, à quelques pas d’où il avait grandi. Le couple s’est ensuite installé à Saigon (Hô Chi Minh-Ville aujourd’hui) pour gagner sa vie, et donner naissance à un fils. Mais leur bonheur a été de courte durée. Vers trois ans, le petit attrape une fièvre gravissime dont il gardera les séquelles, un retard mental. Et les innombrables visites des médecins n’y changeant rien. Le couple décide alors de revenir dans sa région natale.

Chaque jour, sa femme porte l’eau du puits ancien aux restaurants, toujours munie de sa palanche. Quant à M. Duong, il travaille comme porteur à l’embarcadère de la rivière Hoài, pour acheter des médicaments à son fils. Les jeunes parents choisissent à ce moment de ne pas avoir d’autres enfants, pour se consacrer entièrement à leur garçon.

Et après un certain temps, M. Duong décide de rejoindre sa femme dans ses tâches quotidiennes. «Grâce à l’ancien puits Ba Lê, ma famille arrivait à vivre. L’eau y est limpide et bonne, et tout le monde la préférait. Quand on l’utilise pour la cuisine, les plats sont meilleurs. C’est ainsi que le métier est né. Le montant des courses est basé sur la distance entre le puits et le lieu de livraison, et le nombre de pots remplis», indique le vieil homme. Et d’ajouter : «Nous vivions ainsi au rythme de la vie du quartier, au jour le jour».

À 82 ans, M. Duong réussit toujours à nourrir sa famille à la force de ses bras.

Selon les habitants locaux, ce qui aide la famille de M. Duong à avoir un revenu stable, c’est son honnêteté. Quand on lui passe une commande, il la livre quoi qu’il arrive, en dépit d’un temps parfois capricieux, et d’une santé quelquefois défaillante. Et contrairement à certains porteurs, il ne trompe pas ses clients en leur amenant une eau du robinet.

Un homme tenace

«Quand j’étais jeune, je portais l’eau de 05h00 du matin à midi. Après déjeuner, je poursuivais mes tâches. Plus je travaillais, plus j’avais de l’argent», se souvient M. Duong. Mais ces derniers temps, le poids des ans faisant son oeuvre, le volume d’eau qu’il transporte a considérablement chuté.

En été, lors la saison sèche, les puits le sont aussi. Ba Lê ne fait pas exception. Loin de se décourager, l’homme descend alors au fond pour le nettoyer et le déboucher avec du sel aux abords de la nappe phréatique. Environ une semaine après, le puits a de nouveau de l’eau.

«Jusqu’à aujourd’hui, j’ai toujours réussi à gagner ma vie et nourrir ma famille à la force de mes bras. C’est ma fierté».

Selon Nguyên Van Hôi, président de l’Association des personnes âgées du quartier de Minh An, la famille de M. Duong appartient aux familles les plus modestes du lieu. D’autant plus que sa femme ne plus l’aider. «Il est aujourd’hui une figure de Hôi An, et le doyen du métier dans la ville. Quelquefois, les touristes le prennent en photo et lui offrent un peu d’argent, mais son revenu principal reste toujours ses courses au puits», a conclu M. Hôi.

Diêu An/CVN

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