Thierry Montaner était technicien dans le théâtre. Killian Blais était dans l’informatique. À respectivement 32 et 25 ans, tous deux ont vu leur contrat de travail se terminer en même temps. La peur de s’enfermer dans un quotidien lénifiant. La crainte de s’engager dans une vie bien rangée. Les futurs compères étaient tous deux face à ces questionnements existentiels. Et ils ont franchi le pas.
Thierry a posté une annonce sur Internet pour trouver des compagnons de route, et a proposé un trek de dix jours dans la neige du Vercors, pour «tester» la motivation des globe-trotters en herbe.
Sur huit participants, sept partiront finalement le 7 mai 2008. Après l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie Herzégovine, la Serbie, la Bulgarie, la Grèce, la Turquie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et la Chine, ils ne sont aujourd’hui plus que deux, et viennent d’arriver au Vietnam, avec leurs 18 kg sur le dos.
«On parcourt une moyenne de 15 à 20 km par jour. On est déjà monté à 40. Mais il arrive aussi qu’on reste plusieurs mois au même endroit, parce qu’on s’y plait. Et puis tout dépend du relief», indique Thierry. C’est ainsi qu’ils ont passé au total un an et demi en Chine, dont deux mois à Cheng Du, chez l’habitant.
Vivre au jour le jour
Dans le village d’Avcıcoru, en Turquie, Thierry et Killian ont vraiment apprécié l’hospitalité des habitants. |
Photo : CTV/CVN |
Toutefois, pas facile de vivre avec deux euros par jour. Tous les moyens sont donc permis. «Soit on dort chez l’habitant, soit en tente. On a des sacs de couchage qui supportent jusqu’à -28°C, alors on s’en sort, même si c’est parfois vraiment juste. Une fois, on s’est séparés une semaine, parce qu’on n’était pas d’accord sur l’itinéraire à suivre, j’ai dormi dans une bâche et dans un poulailler, car c’est Killian qui avait la tente», ajoute t-il. Et si, en Chine comme au Vietnam, passer la nuit chez l’habitant demande une autorisation préalable, ils n’ont jusqu’ici pas eu à se poser la question. «On a été dans des provinces tellement reculées que les locaux n’avaient jamais vu d’étrangers de leur vie. Ils ne connaissaient pas cette loi. Et étaient au contraire très hospitaliers. En revanche, dès qu’on va dans des lieux fréquentés par les touristes, on nous accueille souvent de manière intéressée», souligne Killian.
Concernant la nourriture, la débrouille est toujours de mise. «En Europe, on mangeait les restes des boulangeries et des marchés. Sinon on trouvait chez l’habitant. On a goûté beaucoup de choses très spéciales : des yeux de brebis en Albanie, une soupe de guêpe et des frelons frits en Chine». Et d’ajouter, «Au Tibet, lorsqu’on a traversé les hauts plateaux, on a passé 28 jours sans croiser un humain. On a survécu avec 10 kg de farine, de l’huile, des pâtes, et des épices dans le sac à dos». Un moment qui aurait pu sembler rude pour nos deux complices, mais c’est finalement un de ceux dont ils ont gardé le meilleur souvenir. «Nous étions avec la nature et les animaux. On a vu beaucoup de loups qui en fait se rapprochaient, curieux de nous voir, car peu de gens passaient par là», commente Killian.
Boires et déboires
En Géorgie, en pleine nature, Thierry a désormais le monde à portée de main. |
Un des éléments qui les a le plus marqué, c’est l’hospitalité de certaines populations, notamment turques et géorgiennes. C’est ainsi qu’ils sont restés presque un an dans ce tout petit État qu’est la Géorgie, pour profiter des grandes tablées et du bon vin du pays. «En Albanie, deux familles du villages se sont même disputées pour savoir laquelle allait m’héberger !», note Killian. À l’inverse, en Italie du Nord, «les gens étaient globalement méfiants, et trouvaient des excuses pour ne pas nous héberger. Ce sont les minorités locales qui nous ont finalement accueillies».
Leur voyage se passe pour l’instant comme prévu, même s’ils avancent plus lentement que ce qu’ils avaient envisagé. Quelques aventures auraient toutefois pu définitivement gâcher leur voyage. «À l’Est de la Turquie, à la frontière des territoires des rebelles kurdes, on a croisé un camp militaire et ils nous ont mis en joue pendant plus d’une heure. C’est notre pire souvenir», selon Killian. Pour Thierry en revanche, un autre moment a été éprouvant : «En Chine, à 4000m d’altitude pour franchir les montagnes, j’ai pris la réverbération de la neige dans les yeux. Je suis resté presque aveugle pendant une semaine».
Leur périple devrait se poursuivre encore 3 ans. Ils envisagent de passer par le Laos, la Thaïlande, la Malaisie, puis rejoindre l’Amérique du Sud, et l’Afrique de l’Ouest, même s’ils ne savent pas pour l’instant par quel moyen traverser la mer. «Peut-être en bateau stop, on verra !»
Quand à l’avenir, l’après retour, ils ne veulent pas trop y penser. «Je repartirai peut-être, pour un voyage plus court, ou je ferai du volontariat», envisage Thierry. Fonder une famille ? «On y pense, on verra, on trouvera peut-être quelqu’un sur la route !», a souligné Killian.
Plus d’infos : toutenmarchant.com
Eloïse levesque/CVN