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Les tours aéroréfrigérantes de la centrale nucléaire française du Bugey dans la commune de Saint-Vulbas (Ain), le 24 juillet. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les ministres européens de l’Énergie sont réunis à Luxembourg, une semaine après une rencontre entre le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron - qui avait affirmé la volonté des deux pays de conclure un accord "d'ici la fin du mois".
Depuis, la présidence espagnole de l'UE a proposé de faire complètement disparaître du texte la question controversée du dispositif de soutien aux centrales nucléaires existantes, ce qui ne satisfait ni Paris, ni Berlin.
Les autres pays sont suspendus à un compromis entre les deux premières puissances de l'UE. "La question des distorsions de concurrence est désormais au cœur des négociations, ce qui me rend optimiste quant à un accord", a assuré lundi 16 octobre la ministre autrichienne Leonore Gewessler.
Après l'envolée des prix de l'électricité l'an dernier, le texte entend faire baisser les factures des ménages et entreprises grâce à des contrats de long terme permettant de lisser l'impact de la volatilité des cours du gaz.
Il s'agit aussi d'assurer davantage de prévisibilité aux investisseurs : tout soutien public à de nouveaux investissements dans la production d'électricité décarbonée (renouvelables ou nucléaire) se ferait via des "contrats pour la différence" (CFD) à prix garanti par l’État.
Selon ce mécanisme, si le cours du marché de gros est supérieur au prix fixé, le producteur d'électricité doit reverser les revenus supplémentaires engrangés à l’État, qui peut les redistribuer. Si le cours est en deçà, c'est l’État qui lui verse une compensation.
"Clarification"
Bruxelles souhaitait étendre ces CFD aux investissements destinés à prolonger la vie des centrales nucléaires existantes.
Le sujet est crucial pour la France, soucieuse de financer la réfection de son parc nucléaire vieillissant et de maintenir des prix bas, un atout majeur pour les industriels du pays, notamment après la fin en 2025 du mécanisme obligeant EDF à céder une partie de sa production à prix cassé.
De quoi inquiéter Berlin. L'Allemagne, sortie du nucléaire, redoute la concurrence, selon elle déloyale, d'une électricité française rendue plus compétitive grâce à un soutien public massif.
Plus largement, les industriels européens s'inquiètent pour leur compétitivité, entre envolée des prix de l'énergie et subventions massives des industries vertes aux États-Unis.
Le groupe public EDF, lourdement endetté, "peut faire grâce aux garanties de l’État" ce que ne peuvent pas faire les acteurs de l'électricité en Allemagne, "tous privés" et soumis aux lois du marché, observait la semaine dernière le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck, réclamant que ce point soit "clarifié" dans la réforme.
Soutenu notamment par l'Autriche et le Luxembourg, Berlin exige un strict encadrement de la redistribution des recettes issues des CFD sur le nucléaire existant, notamment auprès de l'industrie.
La France entend au contraire bénéficier de ses choix énergétiques de longue date, au moment où l'Allemagne pâtit à la fois de la perte des importations de gaz russe, dont elle s'était rendue dépendante, et de l'abandon du nucléaire - qui l'ont contrainte à relancer le charbon.
"Martingale"
"Il faut éviter de tomber dans les fantasmes de pays qui mettraient à disposition des industriels une énergie à coût quasi-nul, ça n'existe pas. Le nucléaire n'est ni une martingale, ni une énergie particulièrement coûteuse", assurait mi-juillet la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
Le nucléaire permet en revanche "de stabiliser en Europe l'intermittence des énergies renouvelables", met-elle en avant.
Faute d'accord européen, Paris n'exclut pas d'agir seul. Emmanuel Macron a menacé fin septembre de reprendre "le contrôle du prix de l'électricité" française.
La bataille franco-allemande sur le nucléaire se poursuit sur de nombreux autres textes européens en cours de négociation : règlement pour aider les industries vertes, règles sur la production d'hydrogène propre... Un projet de Berlin de subventionner le prix de l'électricité pour ses industriels pourrait ouvrir un nouveau front.
Un autre sujet fera débat mardi 17 octobre : les "mécanismes de capacité" qui permettent aux États de rémunérer les capacités inutilisées des centrales pour garantir leur maintien en activité et éviter des pénuries futures d'électricité.
Plusieurs pays veulent être exemptés des contraintes écologiques prévues, la Pologne réclamant notamment de pouvoir utiliser l'outil pour ses centrales à charbon.
AFP/VNA/CVN